Le Jade
Autant l'or, l'argent, le diamant sont apprecies des civilisations occidentales, autant le Jade est apprecie en Chine. Et ce, depuis le neolithique.
Avant tout, son ideogramme, son caractere est derive de celui du roi : trois
traits horizontaux, symboles du ciel, des hommes et de la terre, reliees par
un trait vertical. Le jade a juste un point en bas a droite pour le differentier.
C'est donc ecrit, grave, le Jade est la pierre royale, la gemme.
Le voila donc Roi.
Dans la pensee recente il est aussi symbole de "pays" car le nouveau
caractere du pays est presque le meme que celui du jade, avec la marque de frontiere
en plus. Quand on le lit de nos jours on pense a roi, a pays.
Le voila donc Pays.
Dans l'Erya le plus ancien glossaire paru vers le IIIeme siecle av JC il est
mis en relation avec un rituel. Il est retrouve dans nombre de tombes sous formes
de disque bi symbole du ciel ou de tubes cong symbole de la terre.
Le voila donc Rituel, Terre, Ciel.
Le shuowen jiezi, premier grand dictionnaire presente au trone en 121 ap JC
mentionne 126 caracteres avec le radical "yu". Le caractere yu etait
employe pour d'autres pierre d'ailleurs.
Le voila donc Ecrit.
Les petites pieces ont un tintement aigu ou grave quand elles s'entre choquent
ou se balancent sur du metal.
Le voila donc instrument de Musique.
On le trouve aussi dans les civilisations meso-americaines en amulette autour
de la ceinture pour proteger des maladies. Le monde précolombien d'Amérique
(Mayas et Aztèques) sut aussi développer à l'égard
du jade un intérêt particulier qui disparut avec la conquête
hispanique à partir du XVIe siècle. Les Espagnols qui crurent
déceler dans le jade des effets bénéfiques sur la maladie
de la pierre le baptisèrent pierre des lombes, soit en castillan ejada.
"Piedra de la ejada", pierre du flanc car il etait cense soigner le
flanc. Devenu en francais "éjade" en 1612, puis le jade. Quant
à la néphrite, l'origine de son nom est tirée du même
contexte, en tant que pierre des reins ou néphritique. Le "jade"
en anglais serait venu en 1595 dans une note de Walter Raleigh.
Le voila donc Ingrédient Médical.
Les petits chinois le portent souvent en pendentif des la naissance. Il est
aussi mis dans les rites funeraires sur les corps, ou porte en gilet protecteur
concu de plaquettes reliees ensemble.
Le voila donc Protecteur de la vie, meme dans l'au dela.
En Chine des croyances assuraient l'immortalite a qui l'ingurgitait en poudre.
Le voila donc symbole d'immortalite.
Il est poli, grave, embeli et decore les salons. On le porte avec soi et aime
le toucher.
Le voila donc objet d'Art.
Qu'avez vous autour du cou ? une chaine, une medaille en or ? Qu'ont nombre de chinois ? une chaine de ficelle rouge et une piece de jade en pendentif. Si ce n'est au cou alors c'est en amulette dans la poche.
Revenons sur terre puisque telle est sa source.
Composition
Le ranyu ( aussi zhengyu ) en chinois, est une pierre tendre, c'est le jade
veritable, historique : la nephrite. Chimiquement c'est un amphibole. Un silicate
de calcium et de magnesium. Ca2 (MgFe)5 Si O22 (OH)2. La néphrite est
une pierre opaque possédant, selon la teneur en fer, plusieurs couleurs
allant du verdâtre au blanchâtre en passant par des teintes mauves
ou rosées.
Le yingyu ( aussi feizui ) est dur. La couleur est brillante. C'est de la jadeite. Chimiquement c'est un pyroxene, un silicate double de sodium et d'aluminium. 4Si O2 Al2 O2 Na20. La jadéite, plus dure que la nephrite, couvre diverses nuances du vert.
C'est sous le terme général de jade qu'on désigne les deux minéraux semblables, de la catégorie des inosilicates.
Donc sous le meme terme de jade on distingue plusieurs pierres. Selon les teneurs en elements, si la pierre vient d'une veine qui a subit des pressions, la couleur, la durete, changent.
Ou le trouver
Deja, les gisements en Chine centrale etaient epuises a l'ere du bronze.
Les grandes routes marchandes vers 3000 av JC allaient le chercher bien au
Nord de la Chine et en Asie centrale car les gisements chinois etaient deja
epuises.
De nos jour la pierre blanche, la nephrite, est presque introuvable. Les seuls
gisements sont en Birmanie mais de la jadeite verte qui inonde les marches.
Les jeunes gens connaissent principalement la jadeite verte et si vous leur
demandez de quelle couleur est le jade ils repondent "vert". Alors
que ces nuances sont variees. De meme si vous montrez une pierre qui peut etre
differente comme du marbre et demandez qu'est ce que c'est, la reponse probable
sera "du jade".
Autour du lac Tai on y trouvait de la nephrite a l'epoque de la civilisation de Liangzhou, 3200 ans avant JC. Dans le Liaoning on trouvait de la bowenite a l'epoque de la civilisation de Hongshan 3500 ans avant JC. Dans le Liangzhou, le delta du changjiang - fleuve bleu celui qui se jette a Shanghai - 3200 ans avant JC, dans le Liaoning au Nord Est de Beijing ...
Les ecrits Han, le Shiji dans "Les memoires historiques" citent le jade. Qian Han Shu dans les "Annales des Hans anterieurs" cite Yutian comme le lieu d'approvisionnement. On est alors deja a chercher le jade dans le Khotan, au pied du Pamir en Asie centrale. Il n'y a deja plus de jade en Chine.
Dans l'encyclopedie Tang Tushu Zhicheng en 1133, Tu Wan dans son ecrit intitule yulin shipu parle de carrieres. En 1637 le Tiangong Kaiwu "exploration des oeuvres de la nature" de Song Ying Xing mentionne que l'on le ramasse en galets dans le lit des rivieres. Le jesuite Benedict de Goes qui traverse le Khotan en 1603 dit que la collecte se fait dans les carrieres et les rivieres. ( Khotan et Yarkand pres du massif de Kunlun ). Ceci est encore le cas de nos jours.
Vers 1800 apparait la jadeite de Birmanie du Nord. Elle est au dessus de 6 dans l'echelle de durete de Moh.
Le travail du jade
>>> Une "belle" piece peut representer des annees de travail <<<
De part sa durete le jade ne peut pas etre sculpte comme du bois ou une pierre tendre, sans outils modernes tres durs. Il est travaille par abrasion. Il est donc difficile à travailler requérant différents abrasifs utilisés avec de l'eau pour obtenir le poli de la pierre.
Dès le Néolithique postérieur (3000-1500 av. JC), le jade fut travaillé en Chine par abrasion a base de cristaux de quartz, huang sha. Sous les Shang (fin XVIe-fin XIe siècles av. JC.), est mentionne le "hong sha", sable rouge. La durete de ce sable (sha) est de 7.5 donc plus dure que la nephrite et la jadeite. Sous les Song il y utilisation de fraises (wanzi ) comme outil avec des meches a diamant ( cexuan ). De la poudre de joyaux ( baoyao ), de la poudre de rubis ( ziliao ) et des roulettes a polir ( jaotuo ) assurent le lustre.
A la fin des Qing le carbonarum arrive des USA, c'est l'ere des produits de synthese. De nos jours on utilise du hei sha ( sable noir ), du corindon ou de l'emeri de durete 9. Des outils particuliers sont utilises comme des scies, des meules et des forets, ainsi que des tours, pour permettre à l'ouvrier de tailler, graver, polir.
On trouve sur les marches des pierres artificielles colorees, qui sur une tres petite surface possedent des veines de plusieurs couleurs. Bien sur le marchand ne le dit pas. L'alteration est faite par contact prolonge avec des metaux, ou trempage dans une solution chimique pour teindre la pierre, ou souvent en chauffant la pierre. Ce principe de chauffage est tres ancien et a trompe plus d'un "expert" y compris dans les maisons de bijouteries tres celebres avec des bijoux a haut prix. Le bas de gamme etant une pate de verre appelee aussi "jade".
Croyances
Les Chinois de l'ère primitive prêtaient au jade un pouvoir surnaturel.
Dans la Chine ancienne, il servait de médium pour communiquer avec les
dieux et pour solliciter leur protection (contre les blessures, les maladies...).
Par la suite il deviendra objet d'art, attribut social.
Confucius dans le Liji compare la vertu au Jade, image de la bonte car il est doux au toucher, onctueux. Il est Justice car il a des angles mais ne blesse pas. Il devint vite au cours des âges un symbole attaché aux cinq vertus confucéennes et traditionnelles: la bienveillance, la droiture, la bienséance, la sagesse et la loyauté. Il est sincere car son eclat n'est pas voile par ses defauts, ni ses defauts par son eclat. Il est de bonne foi car ses belles qualites interieures se voient a l'exterieur.
L'alchimiste Ge Hong disait ( et c'est faux bien sur ) que des pieces de jade placees aux 9 orifices du corps empechaient la decomposition des cadavres. Dans la meme tendance ( faux aussi ) l'absorbtion de poudre de jade serait un elixir d'immortalite. Ceci en a tue plus d'un(e).
Les objets
Les pièces généralement taillées dans la néphrite
prirent la forme d'animaux réels ou mythiques, d'oiseaux, de poissons,
de cigales ou de tortues, chacune représentant un augure défini.
Les objets s'élaborèrent, et on vit apparaître des figurines
géométriques fonctionnelles ou rituelles avec une dimension métaphysique.
Ces objets d'art comprirent alors des instruments rituels, des armes symboliques,
des décorations et divers pièces qui honorèrent le récipiendaire.
L'origine de l'interet du Jade est precoce, remontant la ou nous n'avons plus que peu de traces de l'histoire des hommes, vers le neolithique 10 000 - 3 000 ans av. JC. Toutefois les objets sont la, a travers les ages. Les objets revêtirent un caractère rituel. La dynastie Zhou (fin XIe siècle-256 av. JC.), qui lui succéda, en réglementa par écrit les formes et les attributs. Au cours de cette longue période, le jade prend de la valeur. Avec l'apparition du bronze, les objets en jade se cantonnèrent exclusivement à l'apparat et à l'honneur.
A partir du Xe siècle av. JC., les objets en forme d'animaux devinrent aussi des objets funéraires qu'on retrouva dans des tombeaux. Les écrits classiques nombreux en définirent la place et les formes.
On retrouve le classique disque bi, percé d'un trou central et généralement décoré sur les deux faces, ou encore le petit parallépipède cong, également percé d'un trou en son sommet. Selon la philosophie chinoise, l'univers céleste rond et infini et le monde terrestre carré et angulaire sont pleinement exprimés par ces formes. Il existe encore le demi-disque huang qui allie en lui-même les deux symboles précédents. Lors de cérémonies, ces objets étaient portés à la taille. Leur tintement aigu ou grave, lorsque le personnage se déplaçait, en mesurait alors le rang.
Sous la dynastie des Han, le jade est devenu un ornement de choix par sa valeur symbolique dans les rites funéraires principalement. Le linceul de la princesse Dou Wan en est un témoignage. La possession directe de gisements aux pieds des monts Kunlun dans le Nord Ouest Chinois de nos jours, ainsi que l'évolution des techniques, permit aux artisans d'être plus prolifiques. Apparurent alors la vaisselle et toutes sortes de vases en néphrite.
Après les Han et avec la perte des gisements à l'Ouest, à une époque de dissensions et de division, la production d'oeuvres en jade déclina rapidement tandis que les pièces anciennes se raréfièrent. Leur valeur grimpant, elles attisèrent la convoitise jusqu'à susciter vols, crimes et guerres. Sous les Tang, une renaissance, portée sur l'exotisme, s'amorça, vite essouflée après la défaite militaire contre les conquérants musulmans qui expulsèrent les Chinois des contrées de l'ouest riches en gisements de néphrite. La mode du jade reprit de plus belle sous les Song (960-1279) avec des empereurs mécènes ou artistes, malgré un approvisionnement en jade brut de plus en plus onéreux provenant des empires ouïghour et tangoute installés dans le Turkestan. Après le repli des Song dans le Sud de la Chine (1127), furent créés des ateliers impériaux pour le jade dans la capitale impériale Lin'an (aujourd'hui Hangzhou).
Les motifs décoratifs sur le jade (fleurs, poissons, dragons, phénix...) se diversifient et gagnent en réalisme au cours des dynasties Tang (608-906) et Yuan (1271-1368). Mais la grande majorité des jades chinois connus remontent principalement aux dynasties Ming (1368-1644) et Qing. À ces époques, les ornements (épingles à cheveux, pendentifs), les objets utilitaires (tasses, brûle-parfum), les accessoires d'écriture (manches de pinceaux, presse-papiers) sont munis de motifs délicats et élégants traitant de thèmes populaires ou illustrant des vux de chance et de bonheur. Pour les puristes le vrai beau jade vient du neolithique. Il est alors partie d'un rituel, des croyances et non uniquement un objet d'art.
L'engouement pour le jade ravivé et les pièces anciennes et riches en symboles de tout genre étant malheureusement devenues très rares, les Chinois se lancèrent dans l'imitation effrénée d'oeuvres antiques. Cette tradition se perpétua sous les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911).
Suzhou, à mi-chemin entre Hangzhou et Nankin, la nouvelle capitale des Ming, devint le centre impérial de production de jades. Durant toute l'époque Ming, on continua à y imiter les pièces anciennes dans un but purement décoratif puisque leur usage originel s'était complètement perdu.
Avec les Mandchous Qing, cet art fut porté à son apogée dans le raffinement de la taille ou de la gravure. Sous l'empereur mandchou Qianlong (1711-1799, règne 1736-1796), le jade redoubla de valeur, tant du point de vue commercial qu'artistique. Ayant remis la main sur les gisements de Khotan et de Yarkand qui fournirent la matière première, des pièces monumentales en jade, ainsi que d'autres plus traditionnelles, furent travaillées aux ateliers impériaux. On doit à ce souverain l'accumulation d'une fabuleuse collection de chefs-d'oeuvre qui, grâce à son entreprise méthodique de classification, a pu être conservée jusqu'à ce jour. En partie en Chine, en partie a Taipei, et dans les musees etrangers.
Pour tout cela, le jade chinois offre un regard passionnant sur la Chine.