Auteur : JJ TOURNAUD syljean@mageos.com
[ Pekin - Xian - Guilin - Suzhou - Yangshhuo - Hangzhou - Xitang - Jiaxing - Wuzhen - Longjing - Shanghai ]
Circuit organise ( La Maison de la Chine )
10 au 27 mai 2000

Prologue


U
n journal de voyage, pourquoi faire ?
Parce que les photos ou les vidéos ne suffisent pas. Certains souvenirs restent gravés dans nos mémoires, mais d’autres, même s’ils revêtent la même importance à un instant donné, sont inexplicablement oubliés quelques mois après… Et puis, sans avoir la prétention d’en faire un guide, pourquoi ne pas le communiquer aux prochains voyageurs ? L’intérêt étant d’avoir d’autres informations que celles qui sont données par les guides. Enfin, c’est une critique du circuit « Chine Intime » de la Maison de la Chine, auquel nous avons participé du 10 au 27 mai 2000. De Pékin à Shanghai, en passant par Xi’an, Guilin, Yangshuo, Suzhou et Hangzhou, voilà nos impressions sur l’Empire du Milieu…

Mercredi 10 mai


N
ous avons décollé de Roissy le jour anniversaire de la montée de Tonton sur le trône en 1981. Est-ce un signe, juste avant la découverte de l’un des derniers pays socialistes ? Notre groupe compte dix personnes, je n’en connais que deux, aperçues à la réunion préparatoire organisée par la Maison de la Chine.
Le vol Paris-Pékin dure dix heures ; c’est relativement long, et c’est d’autant plus long qu’il a fallu subir deux longs métrages, visiblement achetés au rabais par les responsables du service « Gaudriole » de China Eastern... Le premier, dont j’ai oublié le titre, parle de chinoiseries, avec, dans deux seconds rôles, Jean Yanne et Jacques Dufilho. Oeuvre inconnue au bataillon. Le second, un vrai nanar, s’intitule « Mesh » (c’est une parodie de « Mash », enfin, c’est l’impression que le réalisateur a voulu donner) et a vraisemblablement été tourné par le Max Pecas américain. Je conseille à China Eastern d’être plus sélectif... J’aurais préféré « Y a t’il un pilote dans l’avion? » mais on ne peut pas contenter tout le monde...
Nous avons survolé l’Allemagne, le Danemark, la Pologne, la Russie et la Mongolie, à plus de 10.000 mètres d’altitude et à plus de 900 km/h ! Six heures de décalage horaire entre Pékin et Paris... Voilà pour les chiffres.
Pas facile de dormir... Est-ce le repas servi par la compagnie qui ne passe pas ou l’excitation ?


Jeudi 11 mai


AA
rrivés à l’aéroport de Pékin, à 6h30, heure locale, il y a un léger instant de flottement : pas de guide pour nous accueillir... D’autres touristes français de « la Maison de la Chine », qui ont trouvé leur accompagnatrice, nous souhaitent, goguenards, un bon séjour ... Les fourbes ! Notre attente ne dure qu’une dizaine de minutes: malgré les macarons « Maison de la Chine », clairement visibles sur nos bagages, notre guide local (qui se nomme Chan, mais que, par commodité ou par dérision, nous appellerons « Bibi »), pourtant présent dans le hall de l’aéroport, ne nous avait pas identifiés. Nous non plus d’ailleurs : comment savoir qu’un chinois porteur d’un drapeau bleu turquoise sans aucune inscription (même s’il agite ce dernier comme s’il était un sémaphore), est bien la personne que nous cherchons?
Nous avons donc trouvé le guide local. Il ne manque plus que l’accompagnateur qui nous suivra pendant tout notre circuit. A priori, ces distraits de La Maison De La Chine ont omis de préciser que notre avion aurait deux heures d’avance. Ce léger incident n’entame pas notre bonne humeur : nous sommes en Chine !
Puisque nous sommes légèrement en avance et que nos chambres d’hôtel ne seront disponibles qu’à partir de 10h00, Bibi nous propose de parcourir la place Tiananmen (Porte de la Paix Céleste (sic), si prisée des étudiants et des militaires) en long, en large et en travers. Nous n’en aurons d’ailleurs pas le temps car elle occupe plus de quarante hectares... Un grand portrait de Mao, repeint chaque année, veille sur la place ; juste en face, à l’autre extrémité, se trouve son mausolée, où sa dépouille embaumée repose dans un cercueil de cristal. On n'a pas voulu voir « la Momie » au ciné, c’est pas à Pékin qu’on va commencer ! Cela dit, une foule impressionnante se presse pour contempler le Grand Timonier empaillé... Peut-être cela valait-il le coup d’œil?
Ah oui, pour les suivants : les autocars de touristes et les touristes sur la Place sont assaillis par des hordes de vendeurs de cartes postales ou de timbres-poste... Ces gens-là sont très... opiniâtres (je ne cède pas à la vulgarité) et s’apparentent plus à la sangsue qu’à l’honnête et courtois commerçant. Plusieurs refus polis, puisque nous n’aurons jamais recours à la mornifle ou à la taloche, auront raison de ces bandits ! Notre guide nous propose maintenant de gravir la Colline de Charbon, éminence artificielle qui domine la ville. Beau panorama, ma foi, sur la Cité Interdite et les quartiers périphériques. Plusieurs kiosques permettent de se reposer ou de faire quelques exercices de gymnastique. Au pied de la colline, une collection de bonsaïs passe inaperçue, par contre, plusieurs « artistes » rivalisent d’habileté pour réaliser d’éphémères idéogrammes sur des dalles de pierre, uniquement à l’aide de pinceaux trempés dans l’eau. Ils s’échangent même leurs « techniques » et il est assez curieux de voir l’engouement voire l’admiration qu’ils suscitent auprès des badauds (et nous en sommes !)... A la sortie du parc, sur le trottoir, des barbiers itinérants exercent leur profession entre les W-C publics et les vendeurs à la sauvette (qui commencent à devenir rasoirs).
Notre hôtel à Pékin, le Lusong Yuan Bin Guan**, est situé dans un quartier pittoresque, très animé. Les rues sont étroites et creusées d’ornières, mais l’établissement, qui ne paie pas de mine de l’extérieur, fait figure de palace parmi les taudis qui l ’entourent... Nous avons finalement « récupéré » notre accompagnatrice, Anna, 30 ans, très sympathique... Nous déjeunons avec le groupe dont nous connaissons au moins quatre membres : Claude et Georgia, déjà vus à Paris, et Bruno et Paulette... Les quatre autres sont bien sympathiques, mais j’ignore leurs prénoms...
L’après-midi est consacré à la visite du Temple du Ciel, dans un parc qui s’étend sur... pas mal d’hectares.
Belle et instructive promenade, parmi de nombreux pavillons consacrés (étoiles, lune, soleil, pluie, tonnerre, etc...). L’un des pavillons est entouré d’un « mur de l’écho ». Deux personnes, éloignées de plusieurs mètres, peuvent converser à voix basse en se tenant assez près du mur (comme dans la « salle de l’Echo » à l’abbaye de la Chaise-Dieu).
Nous sommes retournés à l’hôtel pour dîner : toujours la même table ronde où tous les plats sont servis en même temps : chacun doit « piocher » en faisant tourner le plateau central. Convivial ! Le plus intéressant, c’est qu’on ne sait jamais ce que l’on va manger... C’est la surprise, jamais désagréable, néanmoins.
Nous sommes sortis le soir dans le quartier autour de l’hôtel : les petites rues sont mal éclairées, voire pas du tout... Etrange et pittoresque, mais on ne se sent jamais en insécurité. Il faut dire aussi que nous restons prudents en ne quittant jamais les grandes artères. Il ne faut pas tenter le diable, fût-il chinois...


Vendredi 12 mai


AA
près une très bonne nuit, réveil, ce vendredi, à 7h00. Petit-déjeuner « à l’occidentale », assez frugal cependant, avec du jus d’orange sans orange... Mais nous sommes en Chine, non ?
Départ en fanfare, accompagnés de nos deux guides (ou guidés par nos deux accompagnateurs ?), direction le nord de la ville, pour aller voir les treize tombeaux des empereurs Ming. Passage par la Voie Sacrée, allée bordée de statues représentant d’une part, des animaux debout et accroupis : lions (visiblement, les sculpteurs n’en avaient jamais vu !), chevaux (entre le percheron et Mon Petit Poney), chameaux (empâtés) et éléphants (apparemment très contents d’être là !) et d’autre part des personnages (nobles, mandarins, etc).
Nous n’avons vu qu’un seul tombeau des Ming, puisqu’il aurait fallu a) gravir les douze autres collines, b) prévoir trois jours supplémentaires et c) avoir beaucoup de patience ! Les monuments intéressants sont devenus le repaire des marchands du temple. Difficile de rester stoïque et toujours courtois avec ces sangsues... Et le pire restait à venir : la Grande Muraille !
Pour être précis, il faudrait parler de plusieurs grandes murailles, qui furent construites sur vingt-quatre siècles par les Qin, les Han, les Sui, les Liao, les Jin, etc. La plus connue, et la mieux conservée étant celle des Ming (XVème - XVII ème). La section de Badaling (à 70 kms de Pékin) a été restaurée, mais reste cependant un lieu incontournable. A voir absolument ! Que celui qui se rend en Chine en touriste sans visiter la Grande Muraille me jette la pierre (en la choisissant ailleurs que sur la G.M. toutefois!) ! A propos, tordons le cou à une légende (si elle se laisse faire) : même en regardant par le trou de la couche d’ozone, on ne voit pas la muraille depuis la Lune !
Nous n’en avons parcouru qu’une infime partie, en une heure trente, mais le paysage est fabuleux !
Par contre, ce lieu fantastique est le repaire d’un nombre incroyable de vendeurs à la sauvette... Difficile de les éviter ! Ils tiennent même boutique dans les tours de guet (passages obligés !) Ils doivent compter sur la fatigue des touristes pour leur proposer n’importe quoi : T-shirts, soie (pur polyester), certificats de présence (Si ! Si ! On vous délivre une attestation!), objets divers, souvenirs chic et toc... J’en passe et des pires! Les prix chutent au fur et à mesure de l’ascension. Paradoxal !La famille Benito a fait des affaires, nous aussi (2 T-shirts pour 20 FF). Pas cher, mais la qualité s’en ressent...
Sur la route du retour, nous avons pu voir une sorte de parc d’attraction de style Disneyland en construction... Avec un bout de Grande Muraille en plastique ?
Notre guide local, très sympathique au demeurant, touche des commissions dans certains magasins, pour arrondir ses fins de mois. C’est la raison pour laquelle ce brave homme nous a proposé de visiter une fabrique de jade (le matin) et de cloisonnés (l’après-midi). Ces découvertes de l’artisanat local sont intéressantes à plus d’un titre : on peut, en effet, visiter les ateliers, qui n’ont rien à envier aux ateliers français du début du siècle, et faire quelques emplettes. Un conseil : ne jamais requérir l’aide du guide local pour marchander : il y perd sa marge, ce qui n’est pas vraiment son intérêt... Mais j’ai quand même obtenu une ristourne de 8% sur l’achat de deux paires de boules chinoises. Ce qui n’est pas un exploit !
Nous avons dîné dans un grand restaurant de Pékin, spécialisé dans le canard laqué. Bonne adresse... Je pense sincèrement que nous ne mourrons jamais de faim en Chine !
Retour à l’hôtel. Pas de sortie vespérale aujourd’hui.
Déjà deux jours en Chine. Le voyage se passe plutôt bien. L’organisation est impeccable et le groupe est homogène. On arrive - progressivement - à se connaître et, pour l’instant, on ne regrette pas d’être venus. Même le temps est très agréable : la pluie a attendu la fin de notre balade sur la Grande Muraille pour rafraîchir l’atmosphère...

Samedi 13 mai


D
ebout à 7h00, comme d’habitude. Après le désormais classique petit-déjeuner à l’occidentale, nous voilà partis, en compagnie (mais faut-il encore le préciser ?) de Chan et d’Anna, dans la banlieue de Pékin. Notre programme prévoit la visite d’une ferme d’état, d’un jardin d’enfants, etc. Après une longue attente devant les locaux de la Mairie de la Commune, nous avons été conviés à rendre une visite amicale au dispensaire, qui est en fait une maison de retraite. A première vue, on croit que c’est sordide, vétuste, lugubre et que les pensionnaires ont à peu près le même confort et bénéficient de la même intimité que ceux de la prison de la Santé... En regardant de plus près, on en est sûr ! Après un passage éclair à l’hôpital de la Commune (dix minutes ; je n’en parlerai pas, car je suis resté sur le perron... A l’instar de Sylvie, je ne visite les hôpitaux que lorsque je dois me faire opérer.), nous sommes allés voir les installations de la ferme d’état. En réalité, nous avons pénétré sous une immense serre abritant quelques centaines (milliers ?) de pieds de concombres. La chaleur et la moiteur ne nous incitant pas à poser des questions sur les rendements, les différentes variétés et les maladies des concombres, nous en sommes sortis plus rapidement qu’il ne faut pour l’écrire.
La matinée fut assez décevante comparée aux premiers jours. Heureusement, le déjeuner chez une famille de « paysans » a largement gommé cette déception ! Il y avait au moins une trentaine de personnes dans cette « famille »! On doit admettre que ces gens-là savent recevoir, et que, chez eux, l’hospitalité n’est pas un vain mot ! Sont-ils volontaires ou désignés d’office pour accueillir les touristes en goguette? Nous ne le saurons pas vraiment. En tous cas, nous garderons un excellent souvenir de ce déjeuner, copieux, convivial et très arrosé!
De plus, Sylvie a fait sensation en roulant ses cigarettes...
L’après-midi fut consacré au Palais d’Eté, où l’impératrice douairière Cixi (1860-1908), grand-mère du dernier empereur Pu-Yi, aimait venir gambader à la belle saison. Le « jardin » occupait à l’origine 6.000 hectares. Actuellement, seuls 300 ont été conservés, le reste étant plus ou moins à l’abandon... De nombreux palais, pavillons et autres monuments peuvent se visiter, et, a priori, c’est un lieu très prisé des Pékinois. Après avoir emprunté la longue galerie couverte jusqu’au « bateau de marbre », nous avons traversé le lac Kunming (la traversée de cette partie du lac dure 15 minutes, environ) pour rejoindre le bus... A l’entrée et à la sortie du parc du Palais d’Eté, les touristes sont, comme toujours, harcelés par les habituels vendeurs ; et, comme les eunuques du Palais (c’est logique !) nous n’y coupons pas...
Enfin, notre guide local, Bibi, nous a entraînés dans une fabrique de perles de culture et dans un magasin de soieries. Pour les perles, nous sommes accueillis par un escogriffe qui nous donne quelques détails sur la vie trépidante des huîtres perlières. Il confie une sorte d’écumoire à Sylvie, qui doit s’emparer avec habileté d’une bestiole dans un aquarium... Et c’est la pêche miraculeuse ! L’huître capturée recèle une dizaine de perles à l’intérieur de sa coquille ! Mais ce n’est pas suffisant pour un collier... Et comme les touristes sont intéressés, ils ont droit à une visite de la boutique...
Combien aura gagné notre guide en pourcentage sur nos achats cette fois-ci? Vu sa tête à la sortie, pas grand-chose ! Que nous fera t-il visiter demain? Un magasin de téléphones mobiles artisanaux ? Un atelier clandestin de Nike ? Une fabrique de dentiers ? Ce sera la surprise... Je retiens le dicton du jour : « Qui a riz-hier, demain pleurera ».
Fin de soirée au Théâtre, avec un spectacle d’Opéra de Pékin. Le « véritable » Opéra peut durer plus de trois heures ! Nous n’avons eu droit qu’à quelques extraits (une sorte de « Best Of » ?), pendant une heure et quinze minutes, où se mêlent habilement comédie, chants, danses, acrobaties et arts martiaux. Assez remarquable... Nous n’avons pas saisi toute l’intrigue, malgré quelques explications en anglais (dialogues sous-titrés) données sur une sorte de prompteur... Cela dit, les mimiques des personnages, l’exagération des gestes et la musique (qui varie selon le contenu des scènes : drame, suspense, mélo, combats) permettent de s’y retrouver un peu.
Le spectacle se scinde en deux parties : la première est basée sur un quiproquo entre un héros amoureux et l’un de ses amis ; ce dernier veut l’aider dans son entreprise mais l’autre benêt croit l’inverse, d’où quelques scènes dignes d’un cartoon... La deuxième partie raconte un amour impossible entre un jeune homme et la déesse des Eaux ; ils doivent affronter des ennemis très puissants dont le moins sympathique est un gros sac tout de jaune vêtu, qui n’a pas l’air content (ça se voit à son maquillage) et qui tient visiblement à le faire savoir... Cette seconde partie est plus animée ; la déesse des Eaux lassée que l’on se mêle de sa vie privée, s’énerve quelque peu et distribue des gnons à discrétion aux trouble-fêtes...

Dimanche 14 mai


AA
l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes dans le train de Pékin à Xi’an (1.155 kms ; le trajet dure 14 heures) ; l’écriture risque d’être tracée d’une main malhabile...
Si je reprends le cours de cette journée, nous avons quitté l’hôtel à 8h30 sous une pluie battante, qui nous a accompagné tout le dimanche. La matinée a été consacrée à la Cité Interdite, visitée au pas de course sous la houlette d’un Chan visiblement pressé d’en finir !
Pas évident de saisir toutes les subtilités de ce lieu formidable. On retrouve parfaitement les images du Dernier Empereur de Bertolucci, avec ces immenses cours, séparant les différents palais. Juste avant le déjeuner, nous avons parcouru les petites rues du Vieux Pékin (les « hutongs », qui sont l’âme de la vieille ville), en cyclo-pousse. Il aurait fallu un peu plus de temps pour flâner dans ces ruelles et pouvoir s’arrêter dans les petites boutiques qui semblaient bien intéressantes... Nous avons été invités « chez l’habitant », pour une initiation à la confection de raviolis chinois. Nous n’avons pas eu de problème pour retrouver dans le plat ceux que nous avons réalisés !
Déjeuner fameux, avec des saveurs très différentes de celles des plats servis dans les restaurants. L’après-midi (pluvieux) s’est surtout passé dans le bus. Arrêt à la pharmacie traditionnelle (un cousin de Bibi ?), où nous avons fait l’acquisition de 2 boîtes de « Baume du Tigre », censé tout guérir, pour la modique somme de 24 Y (21,6 FF). Nous avons quitté notre guide local à la gare de Pékin. Lorsque l’enveloppe contenant son pourboire lui fut remise, il s’est éclipsé quelques minutes aux toilettes...
Comme les voyages en train sont assez longs, les Chinois achètent des tonnes de provisions. Il doit y avoir une trentaine de supérettes et de stands alimentaires à l’intérieur de la gare, où l’on peut trouver à boire et à manger (fruits, boissons, gâteaux, pattes de poulet confites ou séchées ou racornies, selon Sylvie !), etc. Nous n’avons acheté qu’un paquet de gâteaux et une bouteille d’eau. Notre clientèle a été jugée suffisamment importante (malgré ces modestes emplettes) pour que la vendeuse évacue les deux clients chinois qui nous précédaient pour payer !
Notre compartiment (« couchettes molles » = première classe), que nous partageons avec Paulette et Bruno Benito, comporte 4 couchettes, pas très propres, mais nous avons nos « sacs à viande » ! Finalement, le trajet se passe plutôt bien, et avec une nuit de plus de huit heures, nous ne devrions pas avoir le temps de nous ennuyer. Dîner dans le wagon-restaurant, sans plateau tournant... La radio est allumée en permanence : chansons, musique et informations diverses incompréhensibles, se succèdent... Par bonheur, on a la possibilité de baisser le son ! L’arrivée à Xi’an est prévue à 07h40 demain matin. Il nous tarde d’être arrivés...

Lundi 15 mai
LL
a nuit dans le train a été agitée. A cause des aiguillages... Il paraît (dixit Sylvie) que nous nous sommes arrêtés deux fois... Rien vu ! Et je ne peux pas dire que j’ai dormi comme un loir bienheureux...
Nous sommes arrivés à Xi’an à l’heure prévue. Avant l’entrée en gare, nous avons pu observer la campagne environnante : les paysans qui partent tôt travailler dans les champs, les enfants sur le chemin de l’école... Curieuse coutume, en Chine, d’enterrer les paysans dans leurs champs : on peut voir des tombes, ça et là, isolées en plein milieu d’un champ ou regroupées le long d’un chemin... Anna me dit que l’incinération se rencontre de plus en plus, mais surtout en ville (manque de place).
Changement de guide local : pour deux jours, nous sommes accompagnés par Sun, de l’office de tourisme national chinois CITS. L’hôtel Bell Tower**** est en plein centre-ville, dans Xi’an intra-muros, près de la Tour de la Cloche (d’où le nom). Xi’an est une ville « moyenne » de 6 millions d’habitants. Elle semble plus « occidentalisée » que Pékin ; ici, on trouve de grandes avenues avec des magasins de luxe, des banques aux façades impressionnantes (ce n’est pas le siège de la Lyonnaise de Banque !)
L’attraction du jour était l’armée enterrée de l’Empereur... Henri (je ne me souviens plus de son nom !). Le premier empereur. Ce bougre-là s’est fait enterrer avec une armée en ordre de marche, en terre cuite : fantassins, sous-officiers, généraux, chars, chevaux, etc. Grandeur réelle! A 1,5 km de son tumulus, des paysans ont découvert, en 1974, une tête en terre cuite, en creusant un puits... Depuis, on visite trois fosses mises à jour par les archéologues. La fosse n°1 contient six mille hommes ! Il reste beaucoup de travail car les statues étaient (et sont toujours, pour la plupart) déguisées en puzzle géant (du style 1.500.000 pièces, amusez-vous bien !). C’est tout simplement fantastique ! Il faut voir ça, parce que les cartes postales ou les livres ne peuvent montrer la splendeur du site... Les photos sont interdites, mais j’ai pu en grappiller quelques-unes, l’appareil en bandoulière, ou intégrant un groupe de touristes chinois photographes (ici, c’est la règle du pas vu, pas pris !) . Je ne sais pas si elles seront réussies, ce sera la surprise ! Sur notre guide, nous avions lu que les marchands du site de Xi’an étaient particulièrement nombreux et tenaces... Ce n’est rien de l’écrire ; il faut le voir... J’ai réussi à marchander un cheval à 40 Y au lieu de 100 Y et un coffret à 4 US$. Sylvie a également fait ses courses : casquette, chapeau et mobiles pour Yannis et Sammy. C’est infernal ! Je me demande jusqu’où les vendeurs « non officiels » peuvent aller pour vendre leur marchandise !
Après le déjeuner, visite d’un village troglodyte. Enfin, c’est ce qui était prévu... A priori, notre guide locale ne l’avait pas prévu. Elle a dû demander son chemin à plusieurs reprises, avant d’arriver chez des villageois pas vraiment informés qu’une tribu de français allait débarquer. Nous avons vu tout de même une habitation taillée dans la roche, toujours habitée. Cernés par des enfants et certains adultes qui voulaient visiblement nous soutirer des sous, nous avons dû nous replier dans le bus... C’est ça, l’improvisation!
Retour à Xi’an pour visiter le nouveau musée de l’histoire de la province. Sun a beaucoup de mal à se faire entendre (et nous à la comprendre), parce que deux groupes de chinois ont fait irruption, accompagnés de leurs guides respectifs qui donnaient toutes les explications au... mégaphone ! On retiendra, entre autres choses, que les cinq grandes inventions chinoises furent : la poudre, le papier, l’imprimerie, la boussole et... la tuile (dixit Sylvie). Avant le dîner, nous avons une heure et demie pour nous balader autour de l’hôtel, dans les petites rues. Nous avons déambulé dans un marché local où l’on trouve des vêtements, des chaussures, du parfum, de la nourriture, etc. Et personne pour nous proposer quoi que ce soit... Le rêve !
Dîner habituel à l’hôtel (semblable aux autres jours, je ne donnerai pas de détails...), puis balade nocturne dans le quartier musulman très animé. On trouve, là aussi, absolument toutes sortes de choses (impossibles à identifier) à déguster ou à emporter (je suppose). Nous avons poussé jusqu’aux remparts et aux douves qui entourent la vieille ville, où une nuée de charmants bambins voulaient absolument nous vendre des roses. Difficile de s’en dépêtrer ! De belles photos sont à prendre dans le « marché de nuit » et les gigantesques publicités lumineuses ne sont pas sans rappeler Las Végas ! Avant d’aller nous coucher, j’ai fait l’acquisition, à 22h30, dans la boutique « souvenirs » de l’hôtel, de deux belles statues, répliques de l’armée de Qin Shihuangdi. Vendues 160 Y pièce, j’ai pu négocier les deux à 200 Y. La vendeuse a accepté mon offre sans barguigner. Bizarre... On arrive à se demander pourquoi les magasins s’échinent encore à mettre des étiquettes. A quoi servent-elles ? Nous savons bien qu’il est possible de marchander (presque) partout, mais on a vraiment l’impression que c’est le client qui fixe lui-même les prix... Curieux !


Mardi 16 mai


R
éveil à ... 7h00 ! Sur la grande place de la Tour de la Cloche, devant l’hôtel, gymnastique matinale pour des dizaines de personnes. Hier, nous avons vu les employés de la China Construction Bank en plein exercice. Mélange d’exercices d’assouplissement, de relaxation et d’arts martiaux...
Au programme de ce matin, visite de la Grande Mosquée de Xi’an, fondée en 742 sous les Tang, qui ressemble plus à un palais chinois tel qu’on a pu en voir à Pékin. Il faut préciser qu’il y a environ 160.000 musulmans à Xi’an. Les premiers sont arrivés par la Route de la Soie pour commercer avec les Chinois... et sont restés ! En tout cas, l’endroit est charmant, avec plusieurs cours intérieures successives, séparées par des portes ou des bâtiments. Le seul repère pour identifier le côté « mosquée » de l’édifice se limite à quelques caractères arabes au-dessus des portes, car le « minaret » est en fait une grosse tour ronde qui a l’aspect d’un pigeonnier chinois... La rue qui mène allah mosquée n’a rien à envier aux souks arabes en tous cas ! Le commerce, toujours le commerce...
Avant de rejoindre l’aéroport pour l’envol sur Guilin (départ 13h40), notre charmante guide nous a conduit dans une fabrique de jade (Quoi? Encore ?), qui représente bien la spécialité de la région... Il me semble fort (mais ma mémoire peut me jouer des tours) que notre guide pékinois, Bibi, nous avait dit la même chose... Sun, la guide Xi’annienne, nous confie que les guides sont obligés de prévoir ce genre de visites pseudo-culturelles, qui n’ont pour unique but que de nous soutirer encore un peu de monnaie... Les vendeurs nous avertissent d’emblée qu’une ristourne de 40% sera consentie. Ce n’est pas encore la Fête des Mères, comme à Pékin ? Ou c’est à cause du décalage horaire ? Ou c’est la Fête des Mères toute l’année ? Quelques instants plus tard, un vendeur me fait d’office 50% de remise sans que je lui demande quoi que ce soit ! Comme à l’hôtel, hier, je pense que les prix sont « gonflés » outrageusement, pour proposer de telles remises... On croit faire des affaires, mais j’ai la nette impression (suis-je donc candide !) de me faire rouler dans la farine (de riz) à chaque coin de rue... Cela dit, Sylvie a acquis un joli chat en jade « n°1 », pour 100 Y, soit la moitié du prix indiqué. C’est bien le premier chat que l’on voit qui ressemble vraiment à un représentant de la gent féline... Tous ceux que nous avons vus jusqu’à présent semblaient sortir de bandes dessinées... C’est comme pour les lions : les Chinois de jadis, n’en avaient jamais vu : ça se remarque au premier coup d’œil !
Déjeuner à l’aéroport. L’avion a décollé à l’heure. Question ponctualité, il n’y a rien à dire...
A l’arrivée à Guilin, toujours « drivés » par Anna, nous avons été accueillis par Deng, une autre guide locale, qui va nous accompagner durant ces trois jours. L’hôtel Lijiang*** compte 13 étages, le dernier étant une boîte de nuit. Même classe que le Bell Tower à Xi’an. A propos, nous n’avons jamais eu un lit commun (épatant pour un voyage de noces). Enfin, on n'aura pas le courage de réclamer, d’autant plus que c’est le lot commun pour nos compatriotes : Bruno et Paulette, Claude et Georgia, André et Marianne, Rémy et Claudine (ça y est ! Je les connais ! Groupe très sympathique...). Notre guide nous a proposé d’aller voir la « pêche au cormoran », ce soir, pour 60 Y par personne ; j’avais prévenu le groupe que (dixit la Maison de la Chine) cette attraction était un véritable attrape-nigaud (et gogos) et qu’elle se résumait à observer, depuis un bateau (de taille cargo), un misérable pêcheur grelottant accompagné de son cormoran famélique, guère plus réchauffé, qui n’osent pas se donner en spectacle à une centaine de touristes-voyeurs qui le mitraillent au Konica...
Donc, personne n’a relevé l’invitation de Deng, au grand désappointement de cette dernière. Avant le dîner, nous sommes allés nous promener le long de la rivière Li, vers « le rocher de l’éléphant » (ou quelque chose comme ça)... C’est un énorme rocher, d’une soixantaine de mètres de haut, coiffé d’une pagode. Le sommet est envahi par la végétation, mais on a une très belle vue sur la rivière et sur la ville. Dommage que les « pains de sucre » qui font tout le charme et l’intérêt de Guilin sont dans la brume ! A propos, j’oubliais de dire un mot du climat : à notre descente d’avion, nous avons été surpris par la moiteur de l’atmosphère. L’air, ici, est chaud et humide. On imagine les mois de Juillet ou d’Août ! Enfin, il y a la climatisation partout. Ou presque. Revenons à notre balade : parvenus au sommet de la colline, nous avons voulu descendre par un autre chemin, à l’opposé... Arrivés au pied du rocher, le parc était en travaux ; nous avons dû rejoindre l’hôtel en empruntant un chemin « glaiseux ». C’est la moquette du Lijiang qui se souviendra de cette promenade...
Dîner à l’hôtel où nous ont rejoint Claude, Paulette et Georgia, qui avaient préféré se faire masser au salon de l’hôtel...
Se faire masser pour 120 Y, ce n’est pas notre truc, mais il paraît que ça vaut le coup ! Nous serions bien sortis, ce soir, si le temps l’avait permis ; comme il pleut, nous sommes sagement restés dans notre chambre. Nous avons une pensée émue pour les touristes et la pêche au cormoran...


Mercredi 17 mai

C
e matin, brouillard et pluie torrentielle. Un temps idéal pour une croisière sur la rivière Li jusqu’à Yangshuo ! Le vieil adage affirme: « Guilin est le plus beau site de la Chine, mais Yangshuo est encore plus beau... (en résumé) ».
Notre guide, Madame Deng, nous a dit en souriant à la façon Michel Leeb: « Il pleut... Hi, Hi ! C’est dommage ! ». L’embarcadère est à 25 kms de la ville. Trajet en bus, donc, par la route qui traverse les rizières. On peut voir les premiers « dykes » (le terme est inexact, je sais, mais il illustre bien ce phénomène propre au relief karstique), les premiers buffles et... les premiers autocars qui prennent la même direction que le nôtre. Notre bateau s’appelle « Elephant Hill », ça me rappelle ma chute d’hier, dans les escaliers taillés dans le rocher... ( est-ce un signe ?). La croisière dure environ quatre heures. La pluie a cessé quelques minutes après le largage des amarres. Le déjeuner se passe à bord pour les passagers de « l’Elephant Hill ». On ne peut pas décrire les paysages ; même si on les a vus des dizaines de fois à la télé ou dans des magazines, on reste émerveillés : des pics, des collines plus douces, des grottes, une végétation quasi-luxuriante, les sommets perdus dans la brume et, le long de la rivière, des villages de pêcheurs (ou de vacances pour Chinois!) ou d’éleveurs. Quelques cormorans attendent patiemment, sur de frêles esquifs, un fil à la patte, l’heure de la pêche. Sur le bateau, le personnel ne chôme pas : vente de livres, de cartes postales et de boissons diverses (Coca, bière, eau de vie ou vin de riz) avec, à l’intérieur de certains flacons, quelques serpents qui, manifestement, n’avaient pas appris à nager... Un prospectus nous indique les sites remarquables : la falaise aux neuf chevaux, le rocher de Wanglu, la colline de l’escargot, etc. Chacun laisse libre cours à son imagination et voit ce qu’il veut.
Mauvaise surprise à notre arrivée à Yangshuo : j’avais repéré, depuis le bateau, un sympathique pêcheur, qui se tenait sur le quai, avec deux non moins sympathiques cormorans sur une perche... Très photogénique, ce pêcheur ! J’aurais dû me méfier... J’ai pris une photo et un vilain vieillard, surgi de nulle part, s’est précipité sur moi pour me réclamer 5 Y pour la photo! J’ai eu beau dire que je n’avais pas d’argent, lui demander s’il acceptait la Carte Visa ou une traite à 60 jours, pleurer, gémir... En vain ! Il voulait me faire la peau si je ne lui donnais pas cette somme - certes modique - mais à mes yeux exorbitante!
Sylvie m’a sauvé la mise en réglant cet insolent et malhonnête barbon (malhonnête, parce que la pancarte qui avertit les touristes qu’il faut payer (c’est le pay per view, les chaînes câblées n’ont rien inventé !) est astucieusement placée à l’écart de la scène)... Je suis contrit ! Je savais que les paysans qui font traverser leurs buffles, devant les autocars, sur la route Guilin-Yangshuo, sont de vrais-faux paysans et de réels escrocs (qui font également payer les photos), mais je n’étais pas au courant pour les pêcheurs aux cormorans... Je n’ose plus photographier qui ou quoi que ce soit sans une légère inquiétude et sans oublier de regarder à gauche, à droite et dans les coins, pour y déceler la moindre trace d’un margoulin... J’hésite même à immortaliser un poulet dans un panier !
L’Hôtel Paradise*** est à dix minutes à pied du débarcadère maudit. Au Paradise, pas de matelas moelleux. La souplesse a été oubliée à la fabrication. Notre chambre donne sur un muret et la vue est assez limitée, à part, au loin, une pagode au sommet d’un pic envahi par la végétation...
Nous sommes arrivés à Yangshuo vers 13h45. Après-midi libre : nous avons décidé de louer des vélos (5 Y la journée ! Pas cher !) pour voir la campagne. Ah ! La bicyclette ! Avec Paulette (Benito) et quelques bons copains (sans Firmin et Sébastien toutefois)... Ca rappelle quelque chose, non ? Nous avons parcouru à vue d’œil, une vingtaine de kilomètres (peut-être plus ?) en quelques heures. Il faut préciser que les arrêts photos furent nombreux ; toujours les mêmes fabuleux paysages, à la longue moins impressionnants, mais on s’en lasse jamais, même si on est plus bouche bée à chaque arrêt. Au pied des monts karstiques on trouve quelques villages entourés de rizières. On trouve aussi quelques vendeurs (Tiens ! Ils sont là, aussi ?) qui nous interpellent dès qu’on met pied à terre. Mais ce n’est pas comme à Xi’an ou sur la Grande Muraille... Nos vélos sont relativement neufs ; le mien, un VTT, possède au moins quinze vitesses et un plateau voilé... Retour à Yangshuo pour rendre les machines qui nous ont, pour la plupart d’entre nous, meurtri le bas du dos... Avant le dîner (libre), nous avons déambulé en ville (rues commerçantes traditionnelles, mêmes boutiques de souvenirs que partout ailleurs...) et avons acheté, pour la modique somme de 10 Y un criquet en bambou, fabriqué par un artisan de l’ethnie... (ce n’était pas précisé). Ici, les différentes minorités ethniques sont majoritaires et tiennent les boutiques de souvenirs... Nous sommes passés dans le marché local. La rue principale est jalonnée de nombreux restaurants, style « café-restaurants » ou snack-bars... Pour attirer le client, on voit partout des slogans publicitaires assez amusants, comme « Ici, pas d’opium, pas d’héroïne, juste de la bonne nourriture et le service excellent... ». Il y a même un restaurant « français », appelé Le Vôtre (sic), qui propose effectivement de la cuisine de chez nous : sandwich pâté, jambon, sole meunière, pain français, etc. Menus à partir de 40Y. C’est un établissement très cher pour le commun des Chinois. Est-ce une bonne adresse ? Nous n’en saurons rien, car nous sommes allés dîner dans une... pizzeria ! Marre de la cuisine chinoise ? Peut-être un peu... Ou pour changer, tout simplement. Nous avons commandé dix pizzas « complètes », à 18Y pièce (16 FF environ) et du vin d’osmanthe, la spécialité de Guilin, qui est assez liquoreux (pour l’apéritif, exclusivement). Nous avons été servis un par un... Une heure et demie s’est écoulée entre le premier servi et le dernier (moi en l’occurrence). Enfin, 26 Y par personne, pour un repas (pas très bon, d’accord), ce n’est pas très cher…
Promenade vespérale pour digérer et derniers achats... Une petite fille fait ses devoirs (des lignes) dans la rue, sur une petite table et, plus loin, une famille joue aux dominos... On est loin du bruit de Guilin...


Jeudi 18 mai


D
ès le réveil, le bruit caractéristique des gouttes de pluie sur le muret voisin nous avertit que la journée risque fort de ressembler à celle d’hier...
Au programme, excursion à Fuli en bateau. Le trajet, qui devait durer une heure, s’est déroulé plus rapidement que prévu : la rivière Li, gonflée par les pluies, nous a permis de gagner plus d’un quart d’heure... Fuli est une bourgade (ici, c’est un hameau ?) de 5.000 habitants, où se tient régulièrement un grand marché qui dure trois jours. C’est un peu la « Foire à Chambérat », côté chinois... A la place des veaux, vaches, cochons et couvées, on trouve des chats, des serpents d’eau, du poisson séché, des épices, du tabac en vrac et en sachets (d’ailleurs Sylvie en achètera environ 50 grammes pour 5 Y, avec en prime; deux carnets de feuilles). Il draine un grand nombre de commerçants et de badauds. Avec tous ces concurrents, comment font les marchands pour s’y retrouver (financièrement) ?
La pluie qui tombe depuis ce matin a transformé les rues de Fuli en un gigantesque cloaque... Mais c’est du vécu ! On doit éviter les mares de boue et surtout les véhicules divers qui filent à l’inverse de ceux des Ming, en prenant, semble t-il, un malin plaisir à éclabousser les passants. Mme Deng nous a entraînés à l’intérieur d’une fabrique d ’éventails familiale (cela va de soie). On y trouve aussi des estampes, peintures et objets divers de décoration. Nous serions bien tentés par quelques vers (poésie !) sur soie, en rouleau (il doit y avoir un nom !), vendu 110Y. Joli, mais sale et poussiéreux. Nous nous ravisons donc. Plus loin, le groupe achète 500 grammes de châtaignes d’eau pour 1 Y. Pas cher ! Et très bon (entre la châtaigne pour l’aspect extérieur et la noix de coco pour la texture...). J’ai bien fait de prendre mon couteau... Le bourg de Fuli illustre bien la Chine rurale ; seule la route principale est goudronnée. Les rues sont en terre battue et les motoculteurs attelés à des remorques bâchées (qui constituent ici un moyen de locomotion très en vogue) n’arrangent pas « l’infrastructure routière ». Les ornières sont énormes !
Le marché est assez bien compartimenté ; est-ce le responsable du village qui s’occupe de l’implantation des commerçants dans le marché couvert et à l’extérieur? Ou les premiers arrivés qui prennent les meilleures places ? Est-ce une entente tacite entre les camelots ? Toujours est-il qu’on ne trouve le riz qu’à un endroit précis ; les vendeurs de tabac sont réunis dans deux allées, à côté des barbiers et des coiffeurs ; puis on trouve les stands de légumes, les animaux sur pied (on entend quelque part un chat miauler dans un panier), la viande découpée et disposée sur de grands étals (on a pas forcément envie d’acheter ici ; trop habitués à nos normes d’hygiène...), du poisson séché qui va être réduit en poudre dans un concasseur (nourriture pour animaux), les marchands de graines, de produits ménagers, de droguerie (Ah ! La colle « miracle » vantée par un bonimenteur...), de vêtements, de chaussures, etc. Comme je l’indiquais plus haut, ça ressemble à la Foire à Chambérat (les fromages en moins).
Retour à Yangshuo par la route (10 kms). Nous avons retrouvé notre chauffeur, toujours ponctuel (comme tous ceux - d’ailleurs - que nous avons eu jusqu’à présent).
Déjeuner au Mei You, petit restaurant que la guide locale nous avait fortement conseillé la veille pour notre dîner « libre ». L’établissement est situé pas très loin de notre pizzeria, et une pancarte affirme (en français !) « Mei You, ici, pas de bière chaude, de sale bouffe, de mauvais service !» Si c’est écrit, alors...
Les guides ne mangent jamais avec nous. Nous sommes « les hôtes », a expliqué Anna, et leurs repas sont beaucoup moins copieux que les nôtres. Cela dit, nous mangeons de moins en moins. L’effet de surprise est passé et les plats sont en général les mêmes d’un restaurant à l’autre. Il y a simplement une ou deux nouveautés (ici des chips, des beignets et des fruits), qui permettent de varier un peu les plaisirs.
Nous rentrons à Guilin par la route (66 kms, 1h1/2). Comme il pleut toujours, notre guide nous propose de modifier le programme : au lieu de l’ascension en télécabine de la colline de Yaoshan (qui, soit dit en passant, était prévue à l’origine pour le lendemain), elle souhaite nous faire visiter un hôpital de médecine traditionnelle chinoise (elle est malade ? En tous cas, on a évité la fabrique de jade, c’est déjà ça de gagné !). Nous sommes ravis. Mais miracle ! La pluie s’arrête à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée à Guilin. Nous insistons donc pour une balade en altitude.
Les télécabines sont en fait des... télésièges. Heureusement, le temps est devenu clément. Du haut de la colline de Yaoshan (900 mètres), on découvre « un fantastique panorama des monts karstiques alentours ». C’est ce qui est inscrit sur notre programme, et c’est vrai... Dommage qu’il y ait autant de brume. Au sommet, est érigée une statue de la déesse de la Miséricorde. Autour de la plate-forme, des garde-fous sont matérialisés par des chaînes. A chaque chaîne sont accrochés des dizaines de cadenas : la coutume veut que les fiancés qui souhaitent vivre ensemble jusqu’à leur mort doivent accrocher un cadenas à ces chaînes (et sans doute jeter la clef?). On appréciera la symbolique... Les amants authentiques et les amoureux sincères ne prennent pas le télésiège : ils préfèrent grimper pour que cet effort mérite toute l’attention et la miséricorde de la déesse du même nom.
La descente s’effectue par le même chemin... Pour les casse-cou, on a prévu l’option de descendre à mi-parcours et d’emprunter un toboggan jusqu’à la station de départ. Le matériel semble neuf mais on ne tente pas l’aventure. D’ailleurs notre billet ne prévoyait pas cette prestation.
Retour au Lijiang vers 16h00. Le dîner étant servi à 19h00, nous disposons d’un peu de temps pour une petite promenade dans les rues derrière l’hôtel. Nous ne l’avons effectivement quitté qu’à 17h00, puis nous y sommes retournés à 18h00 (pour récupérer nos jeans donnés l’avant-veille à la blanchisserie de l’établissement (coût 20 Y)), et repartis aussi sec (que les jeans dont il était question). Guilin est une ville en travaux ; c’est un chantier permanent. Les rues n’existent plus ou ressemblent à des pistes forestières... Des tranchées partout, de la boue, des ornières ; sans les buildings, on aurait pu se croire à Fuli !
A l’entrée des restaurants, on peut voir des cages dans lesquelles sont enfermés les animaux destinés à finir dans nos (ou plutôt leurs) assiettes: serpents, poulets, civettes, etc. Les poissons sont dans des aquariums et le tout est de première fraîcheur...
Nous avons été accostés par un chinois parlant un français très correct ; nous avons échangé quelques mots avant de nous apercevoir qu’il était surtout intéressé par nous vendre ses peintures. Nous avons été obligés de le suivre jusqu’à « sa galerie » (qui était à deux pas). Devant notre refus de lui prendre quoique ce soit, il a paru fortement désappointé et sa gentillesse initiale s’est transformée en de l’ironie... J’imagine que, à l’instar de l’auréole des saints, nous devons avoir un $ doré au- dessus de la tête. Cet « incident », pas très grave, nous pousse à revenir à l’hôtel... C’est dommage, nous avions encore un quart d’heure à tuer avant le dîner... Pouvoir discuter avec un étranger doit être en principe enrichissant ; je veux dire : intellectuellement parlant, pas financièrement ! Une heure avant, un jeune chinois nous avait accompagnés, à pied, pendant quelques minutes ; il paraissait aussi sincère dans ses propos que le suivant, mais lui ne voulait que discuter autour d’un verre... Cela aurait pu être également les prémices d’une invitation à la pêche au cormoran (ou autre chose ?), mais nous n’en saurons rien, car nous étions sur le chemin de l’hôtel. Donc, dans le doute, nous nous abstiendrons de le mal juger.
Retour au Lijiang pour le dîner. Il manque Georgia et Claude. Il s’avère que Georgia, souffrant d’un mal de dents, est entrée dans une clinique dentaire pour se faire « dévitaliser une dent sur pivot ». Anna avait disparu, nous n’avons donc pas pu la joindre pour la prévenir. Pas évident de connaître une semblable situation. A priori, les soins qui lui ont été prodigués l’ont soulagée. Nous lui avons rendu visite après le dîner pour prendre quelques nouvelles.
Si le rez-de-chaussée de la clinique est très moderne, une vraie publicité pour une campagne de l’hygiène, avec du matériel neuf, des chromes rutilants, des fauteuils confortables et design, (on peut voir les patients, de la rue, à travers une baie vitrée), les étages sont beaucoup plus vétustes. Il semblerait que le premier niveau soit un véritable miroir aux alouettes pour attirer le client... Cela dit, les praticiens sont compétents et le personnel est affable. Une jeune chinoise (une patiente) a joué les interprètes en anglais pour Georgia pendant trois heures ! Nous l’avons remerciée en lui offrant du parfum...
Avant d’aller nous coucher, Sylvie et moi décidons de faire une dernière promenade. Nous nous sommes évidement retrouvés dans un chantier (il fallait s’en douter !) juste au moment de l’extinction des lumières (il était environ 22h00). Heureusement, quelques boutiques, dans une rue, au loin, étaient toujours éclairées. Lassés de devoir jouer les Petits Poucets perdus dans cette jungle urbaine (il suffit pourtant de grimper au sommet d’un gratte-ciel pour tenter d’apercevoir, dans la nuit, les lumières du Lijiang...) nous sommes contraints de regagner nos pénates et nos habituels lits jumeaux (Tu parles d’un voyage de noces, etc. Bis repetita placent...).
Je lis le programme du lendemain : « Ascension en télécabine à la colline de Yaoshan d’où l’on découvre un magnifique panorama des monts karstiques alentours (c’est déjà fait ! Aïe ! Il va falloir meubler... Je crains fort que la visite d’une fabrique de jade soit une solution possible...). Envol pour Shanghai et continuation pour Suzhou par la route. Dîner libre ».
Il me semble que Madame Deng nous a parlé d’un hôpital traditionnel chinois... Après la clinique dentaire, voilà l’hôpital... Même traditionnel, on commence à en avoir notre dose (de pénicilline !).

Vendredi 19 mai


R
éveil aux aurores. A 7h00. Nous quittons le Lijiang vers 9h30. Aujourd’hui, Sylvie n’a pas subtilisé la petite serviette de toilette de l’hôtel, comme à Yangshuo l’avant-veille : elle avait été obligée de la restituer, car les « femmes de chambre » avaient téléphoné (en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire en idéogrammes) à la réception pour signaler son forfait ! Hou, la honte ! Enfin, moi, je n’avais rien vu, aussi je ne me considérais pas responsable (ou co-responsable) du larcin. En fait, dans les hôtels, seuls les « consommables », à savoir : savons, shampoings, peignes, brosses à dents, crayons, bonnets de bains, pantoufles, enveloppes, papier à lettre, blocs-notes et sachets de thé peuvent être emportés par les clients. Nous ne nous en privons pas, d’ailleurs : depuis Pékin, nous nous sommes saisis de plus d’un kilo de « matériel hôtelier ».
Nous retrouvons nos malades de la veille à « l’hôpital traditionnel chinois » de Guilin. Un professeur, francophone, vient nous accueillir sur le perron de son établissement. Ce dernier a été créé en 1950, emploie 600 personnes et il est l’un des six hôpitaux modèles pour la médecine traditionnelle. La visite promet d’être intéressante et nous réservera quelques surprises...
Nous assistons d’abord à une présentation de produits « pharmaceutiques » dans de jolis bocaux : racines et poudres diverses, ginseng, cornes et tendons de cerfs, etc. On se croirait chez la sorcière de Blanche Neige ! Ensuite, le bon docteur nous fait un laïus sur la médecine, l’équilibre entre le Yin et le Yang, la comparaison entre la médecine occidentale et la médecine chinoise, les différents diagnostics... Très intéressant. Mais les choses vont s’accélérer brutalement : on s’aperçoit que la partie culturelle a fait place à la partie commerciale ! Le professeur nous explique « qu’à la demande générale de « nos amis voyageurs », des médicaments traditionnels sont à leur disposition... ». Tiens, tiens... On nous donne une feuille, en français, qui dresse une liste de différents médicaments et des affections qu’ils traitent. En fait, il existe un médicament pour chaque maladie (sinusite, acné, cholestérol (Ah ?), hypertension, rhumatismes, hémorroïdes, sénilité, etc). On ne peut que souscrire à la médecine traditionnelle chinoise ! Oh le bon professeur que voilà! Le brave cœur ! Et comme l’assistance semble intéressée et déballe ses malheurs gastriques, ses rates dilatées, ses rides, ses artères graisseuses et ses cervicales démises, le professeur (ne doit-on pas le nommer Notre Sauveur ?) prévient ses sbires, jusque là cachés derrière un rideau. Ceux-ci prennent le relais, en encaissant (par tout moyen à notre convenance, selon la formule consacrée, yuans, dollars, francs, Carte Bleue, etc). Notre facture se monte à 960 Y ! Mais la guérison est assurée, c’est le professeur qui l’a dit... Il n’hésite pas à affirmer que son taux de mauvais cholestérol peut actuellement se mesurer par un chiffre voisin de zéro.
Déjeuner à l’aéroport de Guilin. Notre vol pour Shanghai est prévu à 12h50, et l’arrivée dans la capitale de la « Chine moderne » vers 15h00. Vol sans histoires, sans escale, et sans film comique de Hong Kong. Seules quelques turbulences, annoncées par le commandant lorsque l’avion se transforme en shaker, nous tiennent éveillés...
Notre guide local, Chen, nous accueille à l’aéroport et nous conduit à Suzhou, la « Venise Chinoise ». Il nous accompagnera pendant quelques jours. C’est un homme très jovial, de 39 ans, qui parle très bien français et qui connaît un certain nombre d’anecdotes. Un véritable animateur, avec une faconde que nous n’avions jamais trouvée, jusqu’alors, chez les autres guides. Il doit raconter les mêmes histoires à tous les groupes de touristes, mais la mécanique semble être bien huilée et ça marche toujours...
De l’aéroport de Shanghai à Suzhou, il y a environ 100 kilomètres, soit 1h45 de bus. Le trajet est relativement éprouvant. Heureusement qu’il est ponctué de citations de Confucius dont Chen est assez friand... On en apprend un peu plus sur les us et coutumes de ses compatriotes, avec une touche d’humour. Ainsi, qualifier quelqu’un de « vieux » n’est pas péjoratif pour les Chinois : l’adjectif signifie « sage », « expérimenté » ; a contrario, « jeune » est considéré comme une insulte... Suit alors une comparaison d’expressions françaises et chinoises: rire jaune, casse-tête chinois, etc. Succès assuré !
Nous sommes arrivés à Suzhou vers 18h00. La « Venise Chinoise » est sillonnée de canaux qu’enjambent de jolis ponts en dos d’âne. Il ne viendrait jamais à l’idée de quiconque de pêcher ou de se baigner dans ces canaux... Il flotte à leur surface des choses curieuses ou innommables et l’eau est relativement fangeuse. Soyons clairs : les canaux sont les égouts de Suzhou et vice-versa. Les moucherons et les moustiques y pullulent, aussi nombreux que les vendeurs sur la Grande Muraille ! Nous proposons une balade et le dîner commun au reste du groupe et à Anna. Seuls Georgia et Claude déclinent l’invitation : trop fatigués !
Nous avons déniché, sur les conseils d’Anna, un restaurant style « snack ». Délaissant le repas habituel, nous optons pour des nems qui n’en sont pas (omelette aux légumes), des raviolis chinois (ou quelque chose d’approchant) et des pommes caramélisées. Nous avons décidé d’inviter notre accompagnatrice. Coût du repas : 16 Y par personne, c’est donné !
Comme à l’accoutumée, nous traînons dans la rue « commerçante » de Suzhou, avant de regagner l’hôtel. On y trouve les stands de souvenirs habituels et quelques boutiques d’artisanat. Nous passons quelques minutes dans une librairie. Pas de Sherlock Holmes traduit en chinois... Cela aurait pu être une idée de cadeau (pour moi) ! André, qui cherche un CD de musiques traditionnelles, a du mal à se décider. Pourtant, le vendeur est patient...
Une étudiante nous interpelle en anglais devant la librairie : je reste sur mes gardes… Paranoïa ? Peut-être... Mais cette jeune fille voulait simplement parfaire son anglais avec une bonne occasion de pouvoir échanger quelques mots. Avec mon accent so british, elle n’a pas été déçue…


Samedi 20 mai


L
a journée est consacrée à Suzhou. Nous commençons par une visite du jardin du Maître des Filets. Toujours « cornaqués » par un Chen, décidément très en forme et en verve, nous cheminons dans ce «petit » jardin qui ne couvre qu’un demi-hectare, conçu en 1140 par un mandarin tombé en disgrâce auprès de l’empereur. C’est un lieu vraiment enchanteur, avec ses mosaïques, ses pavillons, ses kiosques, ses claustras, ses rocailles, ses corridors et son étang. Notre guide nous décrit les lieux avec beaucoup de poésie et d’humour ; il use et abuse de figures de rhétorique, mais nous ne nous en plaindrons pas. Ca change tellement de ses prédécesseurs ! Le jardin du Maître des Filets est le plus petit de Suzhou mais il est, parait-il, le plus fascinant... Nous attendrons d’en avoir vu d’autres pour le confirmer.
La visite « culturo-commerciale » du jour est consacrée à une soierie. On nous explique les différentes étapes de la fabrication de la soie et nous devenons vite incollables sur la vie captivante du bombyx du mûrier qui, jaloux comme un pou, bave jusqu’à 900 mètres de fil pour être caché quand il se déguisera en chrysalide. C’est pas si cocon comme idée ! Allez, les vers, continuez ! Bien sûr, on ne nous laissera pas sortir de la fabrique comme ça : cela serait trop facile ! Chen nous « lâche » 30 minutes dans le magasin, où chacun peut acquérir des chemises, vestes, cravates, robes, foulards (pour faire des cadeaux ou pour soie-même) à des prix ne défiant aucune concurrence ! On a même droit à un défilé de mode grandiose (un maître-défilé ?) au cours duquel une dizaine de mannequins locaux (des employées de l’entreprise ?) exhibent, pas à pas, leurs appâts à une foule d’amateurs concupiscents... J’ai l’impression qu’André va se transformer en loup de Tex Avery ! Pour tout achat supérieur à 100 dollars US, la maison offre un cadeau ; comme nous n’avons acquis que deux foulards pour 15 $, nous n’aurons pas de cadeau...
Avant le déjeuner, pris dans un hôtel de Suzhou (self service chinois), nous sommes allés voir les remparts de la vieille ville, en suivant le Grand Canal sur une centaine de mètres, en se bouchant le nez.
L’initiation à l’art du bonsaï, prévue dans l’après-midi s’est limitée à une entrevue d’une heure avec un spécialiste, venu avec deux bonsaïs volontaires, dans une salle de classe d’une école professionnelle. C’est intéressant, certes, mais nous sommes déçus : pas de pratique, ni de démonstration... On aurait bien voulu jouer du sécateur, nous aussi !
J’ai dû oublier, car la mémoire me fait parfois faux-bond, de mentionner la visite du jardin Liu, un autre jardin « résidentiel » d’un mandarin retraité après avoir été disgracié par l’empereur. Curieuse cette manie qu’avaient les mandarins déchus à vouloir jouer les jardiniers... Enfin, c’est pour le plus grand plaisir des touristes quelques siècles plus tard, mais cela, ils ne s’en doutaient peut-être pas. Nous retrouvons là encore la même architecture : les rocailles, les pavillons, l’étang avec ses trois îles reliées par des petits ponts de bois (que n’aurait pas renié Yves Duteil !) ou de pierre. Pour agrandir l’espace, on a placé des miroirs ; pour imiter les miroirs, on a placé côte à côte des paysages identiques ; dans une pièce, une ouverture donnant sur une cour minuscule où se trouvent un rocher, un palmier (ou un bananier, ou un camphrier ou un osmanthus) et un bassin, donne l’illusion de contempler un tableau. Voilà d’ailleurs le maître-mot : l’illusion. Tout n’est ici que trompe-l’œil et perspectives vers l’infini ; la configuration des lieux permet de faire vagabonder son imagination... Le mandarin, qui est souvent un poète, ne peut voir la montagne ? Il va la recréer dans son jardin avec des rocailles ; s’il ne peut musarder sur les rives d’un lac, il va l’imaginer grâce à une pièce d’eau recouverte de lotus et de nénuphars. Dans son jardin, deux parties sont distinctes : la nature (certes modelée) et l’homme.
Notre programme prévoyait également la visite du jardin de la Politique des Simples (ou jardin Zhuozheng, appelé encore Jardin de l’Humble Administrateur), le plus grand de Suzhou (5 hectares) et aussi le plus beau.
Mais notre guide n’a pas le même programme que nous : il nous propose de nous rendre dans une fabrique de broderies... C’est le tollé général ! Mais en restant courtois (voire même chinois...), c’est-à-dire que le brave Chen essuie un feu nourri de protestations, car on entrevoit la traditionnelle visite « culturo-commerciale »... On a déjà donné le matin ! Donc, entre la broderie financière et le jardin de la Politique des Simples, notre portefeuille ne balance plus. Va t-on devoir jouer un remake des « Révoltés du Bounty »? Je ne me sens pas l’âme d’un Fletcher Christian ! Heureusement, après quelques instants de flottement, notre capitaine-guide Chen/Blight capitule... Le client est roi et comme il en a assez de jouer au canard-mandarin lassé d’être plumé, exit la broderie ! Direction : le plus bel endroit de Suzhou !
Nous avons eu grandement raison d’insister : ce jardin est un lieu magnifique (je n’ai pas mon dictionnaire de synonymes, alors pour la richesse de vocabulaire, on repassera : il reste quand même : idyllique, féerique, splendide, enchanteur, exquis, fabuleux, irréel, supermégagénial, etc). Il a été créé en 1509 par « un censeur général de la Cour Impériale, qui a mis 16 ans à l’aménager » (dixit notre guide). L’un de ses enfants l’a perdu au jeu, aussi fut-il divisé en trois parties. C’est la raison pour laquelle on trouve encore de gros murs de séparation larges de plus de deux mètres... Quand on y songe, quel âne, ce fiston ! Il aurait pu apprendre à tricher, que diable ! On peut perdre des allumettes au jeu, voire des boutons de culotte, voire même sa culotte, mais JAMAIS, au grand jamais, un jardin de mandarin !
Là aussi, on retrouve l’harmonie entre le Yin et le Yang... Il existe aussi, dans l’enceinte du jardin, un endroit abritant des centaines de bonsaïs. Ou comment faire d’une pierre deux coups... et trouver une belle illustration au « cours » dispensé par le professeur quelques heures auparavant (chinois). Le plus vieux spécimen du jardin a, dit-on, mille ans. Et il fait bien son âge ! J’ai d’abord cru que c’était une vieille souche...
Retour à l’hôtel pour le dîner ; en route, Chen nous contera la légende d’un couple de forgerons, dont la réputation d’habileté était si grande, qu’un roi les fit venir à sa cour pour leur demander de lui fabriquer des épées. Comme les artisans ne disposaient pas des mêmes combustibles que dans leur province et qu’ils n’obtenaient pas la température idéale pour réaliser la commande royale, ils eurent recours à un stratagème diablement ingénieux (mais parfaitement idiot!) : la femme se précipita dans le foyer et la température monta ; les épées purent donc être forgées dans les délais et avec les normes de qualité suffisantes pour pouvoir satisfaire les exigences royales. Notre guide local ajoute sans malice :
« C’est une légende qui illustre parfaitement l’expression femme au foyer! ». Un véritable animateur, ce Chen ! Déjà, après le déjeuner, comme nous parlions de faire la sieste, il nous avait mis en garde : « Cent pas, sans pain, fait un centenaire ! ». Moi, j’en ai une autre : « Les visites « culturo-financières » rendent un guide millionnaire ! ». Mais je n’ose pas lui dire, même en la précédant de « Confucius a dit... ».
Après le dîner, nous retournons au Jardin du Maître des Filets pour assister à un spectacle. En fait, celui-ci se divise en huit tableaux qui se déroulent en huit lieux différents. Nous patientons d’abord un bon moment dans une pièce (le Maître des Filets se serait-il défilé ?), puis nous sommes accueillis par deux personnages qui nous souhaitent la bonne santé et la bonne fortune (c’est gentil, nous en avons bien besoin !). Nous verrons successivement une comédie, une jeune danseuse, des joueurs d’instruments traditionnels (et chanteurs), des joueurs de flûte dans un pavillon au bord de l’étang et d’autres musiciens... Les pièces ne durent que quelques minutes, mais nous avons réellement l’impression d’assister à un « concert privé ». Nous sommes ravis... et récompensés par un bel éventail (made in Taïwan ?).


Dimanche 21 mai

O
n perd la notion du temps... Qui a pensé que nous sommes dimanche, aujourd’hui ? Pour nous, c’est une journée comme une autre... Nous quittons donc Suzhou, ses canaux, ses jardins, ses égouts et notre guide, Chen, qui sera remplacé, le temps d’un trajet en bus, par une honorable et illustre inconnue, dont j’ai oublié le nom (nous l’a t-on donné, d’ailleurs ?). Nous prenons un bateau pour remonter (ou descendre ?) le Grand Canal, qui date du VIIème siècle (le canal, pas le bateau), assez propre (le bateau, pas le canal !). Pendant trois heures, nous allons traverser les zones portuaires et industrielles... Le Grand Canal n’est pas la rivière Li, et nous aurons les cheminées des usines pour uniques montagnes et les fumées desdites en guise de brumes... Les seules photos intéressantes concerneront la vie des riverains et des mariniers. Les embarcations sont toutes différentes : de la petite péniche, qui sert de résidence à ses propriétaires, chargée de sable ou de matériaux divers à fond de cale (le chargement doit être le plus rentable possible : les bateaux doivent contenir le maximum de fret ; le tout consistant en un savant dosage), au « gros transporteur », en passant par le convoi d’une douzaine de bateaux à la queue leu leu. Le manque de bois pour l’industrie navale est tel que de nombreuses péniches possèdent une coque en ciment... Et elles flottent !
Vers midi, nous accostons à Pingwang, qui restera pour nous inconnue (serait-ce la Cité Interdite n°2 ?). Nous faisons la connaissance de notre nouvelle guide locale, Miss Ting (une « jeunesse » qui ne parle que chinois !) et de notre chauffeur, Mr Xie. Le bus doit nous emmener (ainsi que nos bagages) jusqu’à Xitang, bourgade antique typique de la région. Le trajet fait environ 50 kilomètres et doit - en principe - durer 1h30. En principe, car il faut prendre en compte deux critères sur lesquels nous n’avons aucune influence : l’état des routes et la conduite fantaisiste de Monsieur Merci. Les routes sont d’ailleurs aussi fantaisistes que la conduite de notre chauffeur : ornières, dos d’ânes, goudron qui fond sous la chaleur et enrobe les pneus(je me demande si une voiture immobilisée sur une telle route ne risque pas de disparaître comme dans des sables mouvants !). Monsieur Merci, lui, confond visiblement compte-tours et compteur de vitesse et nous conduit à un train d’enfer...
Nous pouvons voir des élevages de canards, d’oies, d’huîtres perlières, de cultures diverses, de plantations lacustres de lotus, etc. A quelques dizaines de mètres d’une bifurcation qui doit nous mener à Xitang, notre bus est immobilisé dans un embouteillage : deux camions, transportant de la soie teintée, se sont heurtés et l’un d’entre eux est renversé sur la chaussée. Nous restons bloqués pendant un bon quart d’heure avant de pouvoir reprendre notre voyage. Mr Merci a décidé de rattraper le temps perdu : sur ces infrastructures routières d’opérette, son engin ne touche plus l’asphalte : ce diable de chauffeur se prendrait-il pour Michaël Schumacher ? A l’intérieur, les bagages sont frappés par la danse de Saint Guy, au grand dam des passagers du dernier rang, Paulette, Georgia et Claude, qui ont les valises de Damoclès au-dessus de la tête. On peut également constater que les amortisseurs sont d’origine... Nous faisons gentiment comprendre à Mr Merci qu’il serait plus prudent de lever un peu le pied (mais comment lui faire comprendre de ne pas prendre les virages au point mort ?)...
Nous arrivons finalement sains et saufs à Xitang. Nous cherchons des toilettes qui nous permettront de satisfaire un besoin bien naturel ; le chauffeur nous conseille celles qui sont situées sur le parking où nous sommes garés, plus propres, paraît-il, que celles du restaurant où nous devons déjeuner. Mr Merci, qui doit être le neveu de la dame pipi, a omis de nous préciser que la « prestation » était payante : 2 « mao » pour les hommes et 3 mao pour les femmes (pourquoi y a t-il une différence ?)... Merci, Mr Merci !
Notre restaurant se trouve à l’intersection de deux canaux. Le repas, sans prétention, est typique du pays et les aubergistes sont aimables.
Nous visitons ensuite un musée (qui est plutôt une galerie) de sculptures sur racines : des animaux, des oiseaux, des personnages, des paysages, des meubles sont façonnés dans une souche d’arbre, tout d’une seule pièce ! Magnifique travail. Pour photographier ces œuvres d’art, il faut payer 1 Y par sculpture...
Nous découvrons ensuite un autre musée abritant des bas-reliefs et autres pièces de décoration en bois, récupérés dans d’anciennes habitations.
Le bord du canal est assez pittoresque avec ses vieilles maisons et sa galerie couverte. Nous empruntons un bateau traditionnel pour faire une petite virée sur la « Rivière du beau Paysage », qui est le véritable nom de ce canal. Nous nous arrêtons pour visiter un temple qui a une belle histoire : « l’envoyé de l’Empereur, chargé de recouvrer les impôts des habitants de Xitang, fut ému devant la pauvreté de ceux-ci. Il leur fit donc distribuer les réserves de nourritures du village. Craignant le courroux impérial suite à cet élan de générosité, il se jeta dans la rivière et s’y noya... L’empereur le pardonna et lui fit ériger un temple (à titre posthume). » Depuis, le bienfaiteur est considéré comme un saint homme, et, chaque année, sa statue est promenée en ville lors d’une procession...
Nous profitons de cette visite pour remercier ce personnage de nous avoir fait survivre à la conduite infernale de Monsieur Merci. La fin de chaque trajet sans accident est désormais un miracle perpétuel...
La fin de l’après-midi est consacré à la visite d’anciennes maisons et de jardins bien conservés (mais ce n’est pas Suzhou !).
Nous retrouvons le bus pour nous rendre à l’étape suivante, Jiaxing. La route est meilleure, sans être parfaite, ni bonne d’ailleurs... Nous nous apercevons que le code de la Route en Chine restera toujours un mystère pour les Occidentaux et une sacrée blague pour les Chinois : toutes les manœuvres sont bonnes (plutôt que permises) : doubler à droite, franchir les lignes continues, se dépasser à trois, voilà le jeu favori des automobilistes. Les clignotants ne servent strictement à rien, il suffit de klaxonner lorsqu'on double (et si possible après la manœuvre !), les queues de poisson sont monnaie courante dans ce pays d’étangs et c’est un miracle que l’on ne déplore pas plus d’accidents...
Arrivée à Jiaxing. Dîner à l’hôtel Jiaxing*** Balade dans les rues animées où les passants n’ont pas vu d’étrangers depuis longtemps... Nous sommes dévisagés comme des extra-terrestres et nous devenons rapidement l’attraction dominicale. Mieux que le film du dimanche soir ! Passage au Mac Do’ local pour goûter de vraies glaces... Pas chères du tout !

Lundi 22 mai


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épart de Jiaxing à l’heure habituelle pour un début de matinée agricole, ou plutôt agri-culturelle, avec la visite d’un élevage de canards. Les propriétaires conservent en permanence un millier de palmipèdes destinés à la reproduction, ceux destinés à l’abattage batifolent dans les prés avoisinants... Le tri des canetons (mâles/femelles) ressemble au tri des fruits et légumes et je crois qu’on manie ces derniers avec plus de délicatesse... Les canards sont parqués sous d’immenses cahutes au toit de chaume et peuvent patauger dans des mares qui ont la taille d’étangs...
Nous poursuivons notre route jusqu’à Wuzhzen, une petite ville qui a conservé quelques vieilles ruelles du début du siècle, mais avec une architecture différente de celle de Xitang. Nous remontons une rue très étroite, bordée de vieilles boutiques : « restaurant », pharmacie, droguerie, épicerie, etc. Pour séparer, ou plutôt délimiter la frontière entre deux maisons, on a gravé les noms de ces dernières sur des bornes, au bas des murs : « Maison de la Prospérité et de la Faveur », « Maison des Trois Avantages » (les propriétaires, interrogés, ne se rappellent plus quels étaient ces avantages...). Un autre détail que l’on trouve dans tous ces villages : les installations électriques doivent dater des Ming ou des Qing... Un électricien deviendrait fou !
Plus loin, nous visitons un ancien théâtre du XVIIIème. Il est assez particulier : la scène n’est pas très grande, elle occupe toute la pièce et on peut la voir de l’extérieur, car les murs comportent de grandes ouvertures. Le public pouvait donc assister au spectacle depuis la place, devant l’édifice. Une campagne de restauration d’anciens monuments est en cours, nous dit-on. A première vue, il s’agit plutôt d’une campagne de reconstruction... Mais j’en profite pour photographier les fameux échafaudages de bambous, que l’on a vus également à Suzhou, utilisés pour la construction d’immeubles neufs ! Le bambou plie mais, tout comme le roseau, ne doit pas se rompre...
Déjeuner dans un hôtel.
Dans l’après-midi, nous nous arrêtons dans une maison de thé traditionnelle pour déguster le « fameux thé au chrysanthème blanc ». Fameux, fameux, il ne faut pas le dire trop vite... D’abord, il y a autant à boire qu’à manger (et d’ailleurs, on peut manger les fleurs !) et il a un goût curieux...
Le thé est une véritable institution en Chine. Mais existe t-il un thé des femmes et un Te Deum, comme le prétend Rémy ? J’en doute un peu... Tous les Chinois en consomment, surtout le thé vert, assez fort à mon goût, mais rafraîchissant... On le boit chaud, tiède ou froid. Certaines variétés ont des propriétés thérapeutiques, comme ce thé au chrysanthème blanc, qui guérit tout (Tiens ? On croirait entendre le Professeur de Guilin !). On en prend dons un lot à 150 Y pour partager. Cela paraît un peu onéreux... Confucius disait : « Si un paysan fait deux récoltes de blé par an, un commerçant le récolte toute l’année! ». Très drôle ce Confucius! Mais on devrait être rodés !
Le circuit prévoyait la visite d’une fabrique de batik sur le chemin du retour : nous avons bien visité une fabrique, mais la technique utilisée pour produire des tissus imprimés n’est pas du batik, même si elle en est très proche. L’artisan découpe d’abord des motifs dans un support cartonné, comme pour un pochoir. Il prépare ensuite une pâte de soja assez liquide, qu’il va étaler sur un tissu blanc, à travers ce support cartonné (pour le vrai batik, la pâte de soja est remplacée par de la cire). Lorsqu’il retire le support, seuls les motifs en pâte de soja sont restés collés au tissu. Il suffit de teindre le tissu en le trempant dans plusieurs bains d’indigo (un colorant obtenu par oxydation à partir d’une herbe; ici tous les tissus sont bleu et blanc), de le faire sécher et d’enlever la pâte de soja du tissu à l’aide d’une lame. Pas d’achats à la boutique de souvenirs : choix restreint et prix prohibitifs !
Comme j’ai dormi dans le bus jusqu’à Hangzhou, je ne décrirai pas les paysages traversés pendant le trajet...
A notre arrivée dans la capitale de la province du Zhejiang, petite ville d’un million d’habitants, nous déposons nos bagages à l’hôtel Xinqiao*** et nous nous octroyons une balade le long du lac de l’Ouest. Dans une rue, quatre ouvriers travaillent sur la façade en briques d’une maison : à l’aide d’un petit pinceau, ils repeignent les joints en blanc... Ce travail minutieux paraît titanesque, mais c’est une solution pour donner du travail à tout le monde...
Là encore, nous sommes dévisagés... et même pris en photo (à notre insu !).
Dîner à l’hôtel où nous sommes conviés à déguster le fameux « poulet mendiant ». La volaille est enveloppée dans des feuilles de lotus, puis dans une carapace de boue, non plumée ni vidée, et le paquet est mis à cuire dans un trou. Pourquoi mendiant ? Parce que les mendiants qui ne possédaient pas d’instruments de cuisine, préparaient le poulet de cette manière. Mais il semblerait que le plat de ce soir ait été élaboré de manière plus moderne... Enfin, ce n’est pas mauvais, mais je n’en mangerais pas par gourmandise... Nous buvons un verre de vin de riz : grisant...
Dans une rue proche de l’hôtel se tient un marché de nuit. Il est assez vaste et très animé ; on y trouve essentiellement des souvenirs pour touristes. Sylvie fait donc l’acquisition d’une théière en forme de citrouille, assez jolie (95 Y obtenue à 50 Y) et, suite à l’appel d’André, qui avait découvert un artiste qui dessinait avec l’ongle de son doigt taillé en pointe, j’achète deux dessins (environ 60x25) représentant un paysage de Guilin et une branche de prunier... Négociés à 12 $ au lieu de 160 Y... Nous sommes sollicités par les marchands, mais ceux-ci n’insistent guère... En rentrant à l’hôtel, Sylvie trouve un billet de 1 Y sur le trottoir : serait-ce le début de la fortune ? Dans un jardin de Xitang, j’avais marché sur des chauves-souris porte-bonheur... Et si ça marchait ?

Mardi 23 mai


D

épart de l’hôtel en compagnie de Monsieur Wu, notre nouveau guide local du C.I.T.S. de Hangzhou. Nous avions fait sa connaissance la veille, lors du dîner. Il maîtrise bien le français, après sept ans d ’études, a déjà accompagné des délégations officielles en France (il a même séjourné une journée à Lyon !) et exerce régulièrement la profession d’interprète-traducteur. Assez expansif mais difficile à cerner...
Nous nous rendons d’abord sur le site de la pagode des Six Harmonies. La pagode, que nous ne visitons pas, est bâtie sur une colline au bord de la rivière Qiantang. L’édifice actuel a été entièrement restauré en 1910, mais sa construction remonte au Xème siècle. Sur les flancs de la colline sont érigées plus de 70 pagodes, répliques à taille réduite des plus célèbres pagodes de Chine. Elles sont disséminées dans un parc très vaste et la promenade en sous-bois est très agréable, car la chaleur devient très difficile à supporter. La prochaine étape nous conduit au temple de Lingyin si, fondé en 326 par le moine Hui Li. Monsieur Wu nous éclaire sur les arcanes du bouddhisme avec un bref historique de cette religion (en gros : le petit véhicule : on ne s’occupe que de sa propre vie spirituelle ; le grand véhicule : on s’occupe de soi, mais surtout des autres).
On ne peut pas prendre de photos à l’intérieur des différents bâtiments : des « vigiles » en civil patrouillent, et ne sont paraît-il, pas très tendres envers ceux qui ne respecteraient pas cette règle... On peut voir, dans ces temples, des bouddhas gigantesques (environ 15 à 20 mètres de haut) dans des décors surchargés (dorures, peintures vives, etc). Sylvie a trouvé à l’intérieur du temple, un billet de 2 mao (18 centimes), qu’elle remet immédiatement au pot en le glissant dans l’urne aux offrandes. Décidément, toujours la bonne fortune! Le temple est situé à côté d’une colline, Feilai Feng (le Pic venu en volant), dont la base comporte de nombreuses grottes. A l’intérieur de ces grottes (peu profondes et bien aménagées), on peut voir de nombreuses statues de Bouddhas. Les flancs de la colline sont également sculptés : un sentier permet de passer au pied des statues façonnées dans la roche. C’est un site très touristique, mais c’est également un lieu de pèlerinage : d’ailleurs, on peut voir de nombreux moines étrangers à l’intérieur du Temple.
Déjeuner dans un restaurant à l’entrée du site.
L’après-midi, balade en bateau de ¾ d’heure sur le lac de l’Ouest. C’est un lac peu profond (trois mètres au maximum) qui occupe une cuvette entourée de collines très verdoyantes. Promenade très agréable. Selon la légende, le lac serait né de la chute sur terre d’une perle, façonnée au Ciel par un Dragon et un Phénix. La perle (magnifique, paraît-il !) leur fut volée par deux garçons qui l’offrirent à l’impératrice, en hommage. Cette dernière, en ouvrant le paquet-cadeau contenant la perle, révéla (sans le savoir) au Dragon et au Phénix l’endroit où se trouvait le joyau, que les deux bestioles cherchaient depuis longtemps (il faut préciser que la perle devait, comme il se doit, briller de mille feux ou émettre un signal sonore si on lui appuyait dessus...). Il s’ensuivit une bagarre entre tous ces belligérants, la perle leur échappa des mains, des plumes et des griffes, tomba sur terre à Hangzhou et devint le lac de l’Ouest...
Belle histoire, n’est-ce-pas ? Je n’en crois pas le premier mot ; j’hésite à le dire à Mr Wu, car il serait sans doute vexé...
Notre programme comprend un cours d’initiation à la calligraphie. Nous redoutons que celui-ci soit du même tabac que l’initiation à l’art du bonsaï... Et bien, non ! Il s’agit réellement d’un cours, dispensé par un « Maître », qui nous apprend à dessiner quatre idéogrammes : Homme, grand, Montagne, Eau et « Milieu » (en supplément gratuit). Tout le monde s’applique à faire des pâtés en tentant d’imiter le modèle du « Maître ». J’ai vu Claudine se servir du papier comme calque afin de reproduire facilement le modèle ! J’hésite à la dénoncer...
Retour à l’hôtel pour quelques minutes de repos. Nous repartons à 18h00 pour nous rendre dans une annexe d’une annexe d’une pharmacie traditionnelle : c’est le restaurant où nous allons dîner, dont nous visitons les cuisines ; nous assistons également à la confection du repas. Les fourneaux ressemblent plutôt aux forges de Vulcain, aussi n’y restons-nous que quelques minutes.
Quelques nouveautés au menu de ce soir : un œuf servi avec un hippocampe, un poisson (capitaine) qui ressemblerait (sa présentation seulement !) à une mygale panée par les bons soins du Captain Igloo... Assez bon, cependant. Et il y a aussi du gâteau de riz !
Nous avons l’habitude de sortir après le dîner (de toute façon, il n’y a rien à la télé !), et ce soir, nous n’y dérogeons pas : nous déambulons dans le même marché que la veille. Cette fois-ci, nous achetons trois bracelets (5 Y et 20 Y), de nouveau deux paysages peints par l’artiste vu la veille (également 12 $) et un cadenas à combinaison chinoise (50 Y au lieu de 80Y).


Mercredi 24 mai

L
e départ de l’hôtel est prévu à 10h00, ce qui nous laisse du temps pour une promenade matinale dans le quartier. Dans un grand magasin, j’achète un pantalon en solde 79 Y. Ici, il existe quelques cabines d’essayage, mais il n’est pas rare de voir des clients passer des vêtements dans les allées d’une boutique, à quelques pas du trottoir...
Nous faisons une courte balade le long du lac de l’Ouest, en compagnie d’André et de Marianne, avant de regagner l’hôtel Xinqiao. Dans la rue, des couettes sont étendues sur des fils à linge reliant deux lampadaires. On voit deux jeunes mariés qui se hâtent... La mariée court en relevant sa robe, dévoilant ainsi, non pas ses jambes, mais un pantalon !
Le bus nous ramène à la pharmacie traditionnelle de la veille, où nous assistons à la préparation de tisanes, dans un cadre magnifique.
La visite suivante est consacrée au Musée du thé et à une plantation, au village de Longjing, non loin de Hangzhou, qui produit le plus célèbre cru de thé vert de Chine, le Longjing Lücha (le Puits du Dragon). C’est la famille Mei qui contrôle cette plantation. Le cru du Puits du Dragon n’est produit que sur quelques hectares et l’aire de production ne couvre que 40 km² sur cinq villages. Dégustation du thé vert local, qui a fort goût d’épinards, donc pas très agréable à boire (d’où la maxime de Confucius : « Sans thé, bonne santé »). On peut en acheter chez les Mei : la boîte de 125 grammes coûte 200 Y (180 frs). Pour une boîte d’épinards, cela fait relativement cher, même si le thé vert est un remède souverain contre le cholestérol...
Déjeuner dans un hôtel où nous retrouvons la mygale du Captain Igloo...
Cet après-midi, nous nous rendons à Shanghai en train (deux heures de trajet). Départ 15h21. Classe « banquettes molles », ce train est relativement confortable. Vente de thé, de pastèques, de montres-boussoles-jeu de 421 réversibles et d’autres souvenirs... Ce n’est plus un train, c’est la Samaritaine !
Nous sommes arrivés à Shanghai vers 17h30. L’instant très attendu (voire redouté par certains !) est arrivé. C’est en effet aujourd’hui que nous serons « placés » dans une famille d’accueil jusqu’à demain midi. Nous nous posons un tas de questions : où allons-nous être logés ? Comment sera la famille ? Parleront-ils français (cela serait étonnant !) ou anglais pour qu’on puisse échanger quelques mots ? Y aura t-il une salle de bains ? Quelles sont les coutumes à observer ? Etc.
Le bus nous amène à une maison de quartier, où une dame (la dame de Shanghai?) nous souhaite la bienvenue. Puis nous sommes séparés : un couple par famille. On se sent un peu comme des bestiaux à la foire ou comme des enfants qui attentent la formation des équipes pour jouer... Qui va nous choisir? C’est finalement une jeune fille de 20 ans, Sujin qui nous a gagnés ! Elle nous conduit chez elle, son immeuble étant à cinq minutes à pied de la maison de quartier. Elle est étudiante en commerce international et parle donc anglais ; on va pouvoir se comprendre !
L’immeuble est assez vieux, mais l’appartement que ses parents ont acheté l’an dernier est dans un état impeccable (70 m², deux chambres, salle à manger, cuisine, salle de bains, coût : environ 180.000 frs). Par contre, l’agencement des pièces n’a pas été effectué de la manière la plus judicieuse car il semble relativement petit. Le père de Sujin a 50 ans, est vendeur immobilier, gagne l’équivalent de 1.300 Frs par mois, et sa mère, qui a 47 ans, est fonctionnaire au service du Contrôle des Naissances. Sujin est évidement fille unique comme l’impose la réglementation chinoise. Avoir un deuxième enfant entraîne un maximum de difficultés, des amendes et une non-reconnaissance administrative (dans certains cas).
C’est donc une famille de la classe moyenne, qui ne possède pas de voiture (trop cher / environ 20.000 frs, pas de place de garage, difficultés de circulation, etc). Nous sommes accueillis très chaleureusement et la famille se coupe en quatre pour nous... Avec une légère exagération : Sylvie et moi devons dormir dans des chambres séparées : la chambre des parents pour moi, celle de Sujin pour Sylvie... Nous insistons pour n’occuper qu’une seule chambre : en vain ! C’est, paraît-il, la coutume, alors nous capitulons... Ils dormiront tous les trois dans le salon !
Deuxième surprise : nos lits respectifs n’ont pas de matelas ! Aussi moelleux que du carrelage, ils vont nous permettre de dormir d’un sommeil... fractionné. Réveil toutes les deux heures et courbatures assurées !
Le repas servi pour le dîner n’avait rien à envier à ceux des différents restaurants. Copieux et excellent, sans mauvaises surprises...
Nous discutons un moment avant d’aller nous coucher. Sujin connaît la France, car sa famille héberge souvent des touristes étrangers (américains, japonais et français). Elle semble ravie des présents que nous lui offrons (les miniatures et échantillons de parfums récoltés çà et là...). Nous lui demandons de nous excuser auprès de son père, car nous n’avons pas de cadeau pour lui. Il nous excuse bien volontiers en nous montrant les cadeaux des derniers français qui sont passés ici : une bouteille de vin et une de calvados. Il ne boit pas d’alcool...


Jeudi 25 mai


J

e suis réveillé par 1) le bruit que font nos hôtes dans le salon, 2) la pluie, 3) le bruit des voitures, 4) des courbatures et, 5) Sylvie, qui vient me secouer à 6h45. Le programme de ce matin comprend : la gymnastique avec les habitants du quartier dans un parc, la visite du marché local et les courses avec la famille pour préparer le déjeuner. La pluie empêche la première partie du programme ; nous nous rendons effectivement dans le parc, mais il y a très peu de monde. Quelques personnes font des mouvements de tai-chi (ou boxe de l’ombre) et des personnes âgées, réunies sous une sorte de préau, dansent et poussent la chansonnette.
Nous allons ensuite prendre le petit-déjeuner. A notre grande surprise, Sujin et sa mère nous conduisent dans un fast-food de la chaîne Kentucky Fried Chicken. Typiquement chinois : soupe salée aux crevettes, tofu et autres éléments indéfinissables, des raviolis locaux et une sorte de beignet assez long et huileux... Nous aurions donné n’importe quoi pour un café... Je ne me souviens pas d’avoir souhaité aussi fort qu’un petit-déjeuner se termine aussi rapidement que possible !
Nous sommes passés, en vitesse, dans le marché local, traditionnel, qui ressemble à nos halles, la propreté en moins... Sujin nous demande si nous aimons les fleurs et les animaux : comme nous répondons par l’affirmative, nous voilà partis, sous la pluie, visiter un autre marché, pas très vaste mais très varié : fleurs, plantes vertes et bonsaïs semblent bénéficier d’un régime de faveur ; à l’inverse, bien que les animaux semblent être en bonne santé, ces derniers devraient protester contre leurs conditions d’incarcération... Les chats sont trempés et les chiens sont dans des cages entièrement grillagées (genre « cages à oiseaux »)... Nous n’avons pas vu de curiosités, à part une tortue d’eau « chevelue »...
Nous longeons un canal qui est un véritable égout à ciel ouvert, dont l’eau (sic) noire dégage une odeur pestilentielle. L’Erika serait donc passé par Shanghai ? Sujin nous explique qu’il y a quelques années, le canal était propre (!) mais les usines, à force d’y rejeter leurs déchets industriels, l’ont déguisé en fosse septique... A propos, c’est moi qui reste sceptique lorsque Sujin nous affirme que ce cloaque a été jadis autre chose qu’une réserve d’hydrocarbures...
Nous retrouvons le groupe, vers 9h30, pour assister, dans un jardin d’enfants, à une « représentation ». Nous avons droit à des chants et des danses exécutées par des retraitées. La plus âgée a 82 ans (on lui en donne 15 de moins ; ce qui prouve bien que les activités, ça conserve !) et ces dames sont très alertes. On nous gratifie d’un Frère Jacques, chanté en français pour l’occasion et d’une chanson américaine (parce qu’il y a également un groupe de touristes yankees). Puis c’est notre tour ! Rémy, qui aime pousser la chansonnette, s’y colle en entonnant la Montagne de Ferrat. Courageux ! Notre participation se limite au refrain. Moi qui ne connais que Rue Gamma et l’Ami Ricoré, je dis : « Chapeau Bas ! » et je m’abstiens d’ânonner ces ritournelles publicitaires qui ne peuvent en aucun cas passer pour des chansons typiques de notre pays... Avant de quitter le jardin d’enfants, les principaux intéressés sont intervenus pour une brève mais amusante prestation, dans une version (me semble t-il) locale de la danse des canards (laqués ?).
Retour chez les parents de Sujin, pour le déjeuner, sans son père (au travail). Nous avions dit que nous n’avions pas grand-faim ; notre souhait a été exaucé : des raviolis, que nous avons nous-mêmes confectionnés (comme à Pékin) et des boules de farine de riz sucrées. C’est tout ! Et c’est amplement suffisant...
Nos compatriotes, que nous retrouvons dans la maison de quartier, ont passé des séjours très différents dans « leurs familles ». Rémy, Claudine et Anna étaient ensemble, dans un appartement assez luxueux et, grâce à Anna, ils ont pu échanger quelques phrases avec leurs hôtes. André, Marianne, Claude et Georgia étaient logés chez la même famille ; a priori, tout s’est également bien passé, même si, comme pour nous, ils n’ont pu utiliser toutes les ressources offertes par la salle de bain... Paulette et Bruno furent (d’après leurs témoignages) les plus mal lotis : l’anglophone de leur famille d’accueil, un adolescent de 19 ans, ne leur a pas adressé la parole, tout occupé qu’il était à ses jeux vidéo... J’imagine que les échanges sino-français se sont limités à un spectacle d’ombres chinoises pour égayer la soirée... Et également une planche pour lit...
Nous retournons à l’hôtel vers 13h45 pour prendre une douche et nous changer. Nous en avons besoin et surtout envie... Le Jiangon Jin Jiang*** possède trente étages avec le luxe habituel. Nous n’avons jamais eu à nous plaindre de l’hébergement, donc nous ne sommes pas surpris...
Le programme prévoyait une promenade dans la vieille ville, labyrinthe de rues animées, le jardin du Mandarin Yu, la Maison de Thé et une flânerie sur le fameux Bund... Que nenni !
Nous avons quitté l’hôtel à 15h00 ; il pleuvait toujours. Aussi le guide local, peu loquace (que Sylvie appelle Parcimonie, tiens, cela ferait un joli nom chinois...) nous propose la visite du temple Yufosi(prévue le lendemain), qui abrite, pêle-mêle, deux Bouddhas de Jade rapportés de Birmanie au siècle dernier, une boutique de souvenirs, la traditionnelle statuaire bouddhique, plusieurs moines hilares et de nombreux touristes...
Pour « tuer le temps » (dixit Parcimonie), nous avons la possibilité d’aller voir, par exemple, une... fabrique de jade (qui est, bien sûr, la spécialité de Shanghai). Le malheureux guide évite, de justesse, le lynchage : la jacquerie (nous ne sommes pourtant pas les plus virulents !) est sur le point d’éclater ! Il décide finalement de capituler et nous rentrons à l’hôtel. Impossible de se promener à pied dans le quartier, il pleut des cordes... Tiens, justement, à propos de cordes, notre programme indique un spectacle d’acrobaties après le dîner... J’avoue que cela ne m’emballe pas tellement et je ne saute pas au plafond (même sans trampoline). Je redoute d’assister à un spectacle vu et revu (à la télé, genre la Piste aux Etoiles), un peu kitsch et plutôt destiné aux enfants... Cette soirée sera t-elle différente ?
Oui et non. Non, car si j’ai bien aimé l’Opéra de Pékin de bout en bout, ici, les numéros d’adresse et d’acrobaties ne sont pas vraiment originaux, même si je loue l’adresse des artistes. Ca sent le déjà-vu. Suis-je exigeant ? Sans doute. Mais l’ensemble est plutôt plaisant.
D’un autre côté, le clou du spectacle, trois motos qui font des loopings et se croisent dans une immense sphère grillagée, m’a carrément bluffé ! Jamais vu ! Même à la télé ! Il suffit finalement d’un petit rien pour retrouver une âme d’enfant, non ?
Ah, oui ! Une dernière chose : j’ai compris le truc de l’illusionniste (un ersatz de Vampirella !). C’est le numéro classique de la femme transpercée par les épées dans une horloge comtoise de Canton. Je vous la fais courte : Vampirella déguise donc ladite horloge en oursin, après qu’une jeune fille se fut glissée à l’intérieur, derrière le balancier. La magicienne, non seulement l’a lardée de brochettes, mais en plus, a rajouté, pour faire bonne mesure, plusieurs éléments contondants pour achever sa complice... A l’issue du numéro, une fois les brochettes et les lames retirées, la porte s’ouvre et... quatre jeunes filles sortent de l’horloge, en prenant garde à ne pas buter dans la dernière marche de l’escalier, sous l’horloge.
Tout de suite, j’ai décelé le truc (car il y a un truc !) à l’aide de ma paire de jumelles. L’horloge, dès le départ, avançait de cinq minutes ; le temps nécessaire à la complice pour voyager dans le temps et revenir dans le passé, juste avant le numéro. Ainsi, lorsque Vampirella plante les épées dans la pendule, la jeune fille s’est téléportée (je n’entre pas dans les détails, mais vous comprenez, n’est ce pas ?) CINQ MINUTES AVANT ! Il lui suffit de faire la manœuvre inverse à la fin du numéro pour ressortir de l’horloge saine et sauve... Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est la rencontre, dans les couloirs du temps, de trois autres complices provenant de numéros antérieurs ratés... Elles en ont tout simplement profité pour retrouver la sortie... Enfantin !
Bon, moi, je vais me coucher...

Vendredi 26 mai


D

ERNIER JOUR ! Réveil à 6h30. Temps brumeux. Pluie. La journée commence mal... Je casse une assiette pendant le breakfast. Malheur !
Enfin, le soleil fait une timide apparition et la pluie a cessé. Les prières que Parcimonie a adressées hier à Cakyamuni ont été entendues. Enfin, c’est lui qui l’affirme. Nous allons donc visiter le nouveau musée de Shanghai qui regroupe, sur quatre étages, de nombreuses collections de bronzes, porcelaines, jade, mobiliers, vêtements, monnaies, sceaux, peintures, calligraphies, etc. Très intéressant. Nous n’avons que deux heures à consacrer à cet édifice, aussi ne nous contentons-nous d’admirer les principales pièces qui sont accompagnées d’un numéro (en composant ce numéro sur le cadran d’un guide audio, on a le descriptif de l’objet en français.).
Derrière le musée, des espaces verts où les pelouses sont roulées la journée (pour éviter qu’elles ne soient brûlées par la chaleur) et déroulées le soir, pour qu’elles puissent profiter de la fraîcheur de la nuit...
Le musée est proche de l’avenue de Nankin, la principale rue commerçante de Shanghai, dont un tronçon est piétonnier. Nous avons une heure et demie pour l’arpenter et chercher nos derniers cadeaux... Amère déception : on ne trouve que des boutiques de luxe, on se croirait sur les Champs Elysées ! Il est très difficile, dans ces conditions, de faire de bonnes affaires, à moins de ramener des sacs Vuitton, des mocassins Gucci, du Chanel n°5 et des montres Cartier...
La rue est très colorée, très animée et très... photographiée !
Après le déjeuner dans un hôtel, nous repartons dans la vieille ville, visiter le jardin du mandarin Yu, qui couvre deux hectares, dessiné en 1537 et destiné à la retraite des parents de ce brave cœur. Les travaux durèrent 10 ans. Le résultat est fantastique. Le jardin est divisé en deux parties, comprend des pièces d’eaux, des massifs de bambous, des kiosques, des pavillons et des dragons qui serpentent sur le faîte des murs d’enceinte...
Il est vrai que les jardins de Suzhou étaient bien plus beaux, mieux agencés, plus mystérieux et notre guide de l’époque était plus passionné et savait davantage nous intéresser que Parcimonie qui donne des explications avec... parcimonie et n’est guère à notre écoute... Il est de loin le moins professionnel de tous nos guides locaux, à mon goût. Il se contente de nous laisser du temps libre assez régulièrement...
Nous quittons Anna qui doit repartir en train à Pékin... Les adieux ne se font pas sur un quai, mais dans la cohue du marché à la sortie du jardin...
Nous avons une heure devant nous pour boucler nos derniers achats (encore?) parce que les boutiques de bric-à-brac, et les vendeurs à la sauvette ont remplacé les magasins de luxe de la rue de Nankin. Nous n’avons pas trouvé ce que nous voulions ; quelques t-shirts peints à la main, des bracelets, une théière, dûment marchandés... Un paysage brodé sur soie nous intéressait fortement : vendu 210 Y, la vendeuse, une mégère, a refusé notre offre à 150 Y d’un geste de la main en repliant sa calculatrice...
C’est la course folle pour découvrir l’objet rare, pas cher, qui répond à tous les critères du parfait souvenir. Nous pourrions évidemment acquérir des montres Rolex pour 50 Y, ou des ceintures Yves St Laurent pour le même prix, mais les mécanismes des premières sont chinois, quant à la qualité des secondes… Nous courrons donc de boutique en boutique et de vendeur en vendeur... En vain ! Mais ce n’est pas trop grave, nous nous rattraperons à l’aéroport...
La dernière visite programmée à Shanghai (et notre dernière visite du circuit, d’ailleurs) sera consacrée au Bund, une grande avenue sur le front de mer, comme la promenade des Anglais, mais à la taille de la Chine. Elle longe le fleuve Huang Pu et est bordée par d’anciens bâtiments datant des concessions, dont d’anciennes banques devenues des hôtels. De l’autre côté du fleuve, se trouve la zone franche de Pudong, la vitrine de la Chine du XXIème siècle, traversée par une interminable avenue, large de huit voies de circulation « le boulevard du Siècle ». Ici se dressent les tours futuristes symbole de la nouvelle cité, comme la Tour Jin Mao, obélisque de 95 étages qui s’élève à 485 mètres ou l’immense tour de télévision, la Perle de l’Orient (468 mètres), croisement entre un minaret et un décor du Cinquième Elément... Et le délire continue, avec la construction prochaine de la Tour de la Lune (Huanqiu), qui sera, avec presque 500 mètres, la plus haute du monde…
On ne pouvait pas trouver mieux, à Shanghai, comme conclusion à ce voyage : le début, à Pékin, avec la Chine historique des Empereurs, et la fin, à Shanghai, avec cette cité sortie des romans de science-fiction. Une chronologie savamment respectée...
Dîner et retour à notre hôtel pour une heure, le temps de se passer la tête sous l’eau et faire les derniers achats. Mais il n’y a rien ici à acheter...
L’aéroport est à une heure de route. Notre avion décolle à 23h55. Nous quittons notre dernier guide. Nous avons un peu plus d’une heure avant l’embarquement. Le temps d’effectuer quelques achats...
Malheureusement, les boutiques de l’aéroport sont fermées et les rares magasins ouverts ne pratiquent pas les mêmes tarifs que tous ceux rencontrés jusqu’alors! Un t-shirt est vendu 150 Y, une bouteille d’alcool de riz 11 $ et un cerf-volant 350 Y ! Nous regrettons amèrement d’avoir hésité en faisant les marchés, lorsque certains objets nous plaisaient. Enfin il est trop tard pour se lamenter !
Heureusement qu’il reste les bons souvenirs ! Et j’en viens enfin, car c’est maintenant l’habitude, au traditionnel bilan....


Commentaires

L
’organisation : nous n’avons jamais eu de contretemps, ni rencontré de problèmes de réservation (hôtels, moyens de transport, etc). Sans faire de la publicité, « La Maison de La Chine » est réellement une adresse à conseiller… Excellent rapport qualité / prix !
1) Le programme a été respecté à la lettre, à quelques rares exceptions (le jardin d’enfants à Pékin (un samedi) et la Maison de Thé à Shanghai) pas très importantes...
2) Les hôtels : c’était l’inconnue, au départ ; un trois étoiles en Chine vaut-il un trois étoiles chez nous ? Je n’ai pas vu la différence. Les chambres étaient vastes, très confortables et n’avaient rien à envier à celles des hôtels occidentaux. Pour nous, c’était le grand luxe. Personnel courtois, petits-déjeuners (à l’occidentale) très copieux.
3) Les guides
a) Anna (ou plutôt Xue Qing) a été charmante, compétente et débrouillarde. Sa gentillesse nous a permis de régler facilement quelques petits problèmes ou incompréhensions... Elle nous a aidés à marchander, était toujours disponible, même si son rôle était ingrat : « L’accompagnateur national » est là pour assurer la bonne marche du circuit, faire le tampon entre les voyageurs et les guides locaux et éventuellement désamorcer les conflits (il y en a eu : cf l’affaire du Jardin de la Politique des Simples à Suzhou). Il ne peut en aucun cas jouer le rôle du guide local lors des visites, elle peut simplement donner des précisions complémentaires, c’est tout ! Son rôle d’interprète-traductrice a été inestimable, sur les marchés, dans les hôtels, les restaurants, la journée à Xitang, etc). Nous ne la remercierons jamais assez, même si c’est son travail ; nous aurions pu tomber sur quelqu’un de moins sympathique (un Parcimonie, un Bibi ou une Mme Deng...). J’en frémis encore...
b) Les guides locaux : c’est là que le bât blesse ! Nous avons testé toutes les catégories : le meilleur et le passionné (Suzhou), le commerçant (Pékin), le désinvolte (Shanghai), le décontracté (Hangzhou), la fonctionnaire (Xi’an), l’étudiante (Jiaxing) et l’autoritaire (Guilin)...
En général, rien à leur reprocher, si ce n’est pour certains, l ’appât du gain (les visites de fabriques...).
c) Les chauffeurs : à part Mr Merci (Xitang, Jiaxing), qui confondait les routes chinoises avec le circuit d’Imola, tous nos chauffeurs furent extrêmement habiles (je n’irais pas jusqu’à dire « prudents ») pour se faufiler dans les embouteillages. En France, ils n’auraient jamais obtenu leur permis de conduire, mais nous sommes en Chine...

Les paysages et les sites : tout simplement fabuleux ! Depuis les palais chargés d’histoire de la Cité Interdite à Pékin à la Grande Muraille, en passant par l’armée de terre cuite, les paysages de la rivière Li, les jardins de Suzhou, les buildings de Shanghai, tout était magnifique, démesuré ou fabuleusement romantique...
Si l’on me demande ce qui m’a le plus impressionné, c’est la Grande Muraille. Même si la visite n’a duré qu’une heure trente, même avec l’omniprésence des vendeurs et le nombre impressionnant de touristes, le monument ne m’a pas déçu. Elle est, à mes yeux, le site le plus fascinant du circuit. La fin du voyage, avec Shanghai la futuriste, la surpeuplée (14 millions d’habitants) est également inoubliable…

Les Chinois : il n’est pas très facile de les comprendre, ni de savoir réellement ce qu’ils pensent... Volontiers bavards, ils se referment comme des huîtres si la discussion devient embarrassante ; si l’on aborde la politique ou la religion, ils restent évasifs, se taisent, éludent les questions par un sourire et font semblant de ne pas comprendre ou, à l’inverse, versent dans un dogmatisme pur et dur... Inutile de leur demander ce qu’ils pensent du Tibet ou de Taiwan… Ils sont extrêmement curieux et n’hésitent pas à dévisager les étrangers dans la rue, ce qui devient gênant (ou amusant !). Ils sont gentils, mais cette gentillesse est, en général, davantage une forme de politesse et de courtoisie, sans réelle chaleur. Les rapports sont faussés par notre « étiquette occidentale » ; l’argent est omniprésent et, pour beaucoup, nous ne resterons que des touristes fortunés... Et nous cultivons tous cette image, même si nous nous en défendons: on peut crier haro sur les méfaits du tourisme en Chine, tout en marchandant comme des vendeurs de tapis sur les marchés... Qui sème le vent... Confucius ?

Quelques reproches : les visites « culturo-commerciales » quotidiennes. Obligatoires, imposées par le C.I.T.S. (l’état), elles deviennent à la longue source de mécontentement. Passe encore de visiter une fabrique de jade, mais trois ! Bonjour les dégâts (financiers)... L’alibi culturel est cousu de fil blanc et ne tient plus que par un fil... d’argent !
Certaines improvisations malheureuses : l’épisode des troglodytes à Xi’an, les visites répétées d’hôpitaux et autres maisons de retraite, l’initiation à l’art du bonsaï bâclée, la visite des cuisines du restaurant de Hangzhou... Manifestement, personne n’était prévenu !
Enfin, la multiplicité des guides locaux et les guides locaux non francophones n’ont pas permis de saisir toutes les subtilités culturelles du circuit.