Un festival, des ...Festivals


Le Nouvel An du calendrier lunaire ou Fete du Printemps : Une soiree chez des amis

C’est vers 22 heures, que mon ami, que je nommerai Ah-Niu, me passait un coup de telephone pour me proposer de venir passer le nouvel an dans sa belle-famille. De toute facon, je n’avais rien a faire et j’avoue que baver devant le spectacle super-kitche de CCTV-1 commencait legerement a m’emdormir. Donc, « Oui, je viens avec plaisir, si ca ne derange pas trop ta famille, je ne veux pas gacher l’ambiance ».
- Quelle ambiance ? Ils ont fini de manger et ils regardent la tele, la CCTV-1 !
- Ah bon, dans ce cas...

Je montais donc dans sa voiture, destination ChangPing a 30 Km de Pekin. La-bas les petards sont autorises parait-il. ChangPing ce n’est pas la campagne, c’est une ville de 150,000 habitants, mais bon, c’est autorise. D’ailleurs j’ai entendu dire que dans les grandes villes, les cassettes de petards enregistres avaient remplace les petards eux-memes, le but etant d’eloigner les esprits en faisant un maximum de bruit possible.

« Gonxifacai », me dit mon ami, les deux poings en avant, le buste legerement courbe en ma direction. Comme j’ai bien revise ma lecon, je lui sors une formule du meme acabis. Bon, ca fait un peu caricatural, lui-meme exagere un peu sur les bords, mais quand meme, c’est bien sympathique tout cela.

Sur l’autoroute il se met a neiger. Moi en tant que parisien jamais sorti de son trou, je trouve qu’il neige beaucoup. Que n’ai-je pas dit la ? A le voir gesticuler pour me montrer l’epaisseur qu’il tombait il y a 30 ans sur Pekin, je commence a croire que le rechauffement de la planete n’est pas un vain mot. Donc, l’hiver a Pekin ce n’est plus ce que c’etait, d’accord, n’empeche qu’il neige quand meme pas mal et que je sais pas si on va arriver, moi. C’est pas grave me dit-il d’un ton solennel : « RuiXue Zhao FengNian » ! Ah, celle-la je ne la connaissais pas, ca veut dire que la neige le jour du nouvel an annonce un bonne annee de recolte. Ils ont toujours un proverbe qui colle a la situation les chinois. Et puis, on finit par arriver quand meme, et ayant tout de meme evite de justesse deux tete-a-queues qui auraient ete memorables, dommage !

Nous arrivons dans l’enceinte de la residence. J’aide Ah-Niu a decharger son coffre rempli a rabord de petards et fusees en tout genre. On sonne, et la j’ai un petit trou de memoire car tout est alle un peu trop vite : ce dont je suis sur c’est que j’ai du dire bonjour a tout le monde, serrer des mains de temps en temps (ils ne savent jamais trop s’il faut le faire ou pas avec des etrangers), dire oui a pas mal de questions du style « tu veux une biere ? », « tu veux des pistaches ? »... 10 minutes plus tard, j’avais donc le fauteuil le plus confortable du salon, avec plein de choses a manger et a boire a cote de moi.

Et me voici a nouveau devant la CCTV-1 avec son spectacle de reveillon. Pour ceux qui ne le savaient pas, ce spectacle est une institution, au meme titre que l’election de Miss France. Ca fait une audience avec plein de petits zeros qui feraient rever les dirigeants de TF1. Ma copine, qui m’avait appele quelques heures auparavant depuis sa famille dans le sud de la Chine m’avait fait part de la meme intention de regarder ce spectacle jusqu’a point d’heures parce que de toute facon, il n’y a rien d’autre a faire. Soyez donc convaincus, chers lecteurs, que le nouvel an chinois (au moins sur le continent), c’est avant tout REGARDER LA TELE EN FAMILLE, tout le monde vous le dira.

Alors ce spectacle de la CCTV-1, il est chouette au moins ? Tout depend du point de vue avec lequel vous le regardez : si vous etes un occidental un tantinet critique comme moi, vous trouverez cela un peu ridicule par moment et franchement kitche (les costumes, et les coregraphies y sont pour beaucoup). Mais si vous regardez cela avec les yeux d’un chinois, on y voit un hymne a ce qui fait leur culture aujourd’hui. Les danses des ethnies minoritaires y ont la part belle, les acrobaties, les xiangshengs (sketches comiques a deux personnes) et les chants millitaires sont incontournables. Et puis il y a les grandes stars du moment qui font leur defile : « Bon alors quand est-ce qu’elle arrive NaYing ? » « Et quand est-ce qu’elle arrive WangFei ?» « Oh, c’est Zhang Man Yu et Lang Chao Wei, les heros du film In the mood for love, et qu’est-ce qu’ils chantent ? He bien, justement In the mood for love, il est bete lui, qu’est-ce qu’ils pourraient bien chanter d’autre, main dans la main? ».

J’ai meme eu le droit a l’intermede « Politique » l’unique de la soiree que je vous retranscris ici :
- Tu vois, les chanteurs Taiwainais de 40 ans ou plus, ils viennent chanter a Pekin pour la grandeur de la Chine, ce que ne font pas les jeunes qui, eux, sont pour l’independance de Taiwan.
- J’ai l’impression que c’est la meme chose que sur le continent : les jeunes sont encore plus extremistes que leurs parents sur ces questions la.
- Oui, peut-etre, peut-etre...

Apres cela, plus de politique. Ce fut court mais intense. C’est ca qu’est bien avec mon copain Ah-Niu, il ne cherche jamais a me contredire quand on parle politique !

Les discussions vont tout de meme bon train. La grand-mere semble tout-a-coup interloquee :
- Mais pourquoi ne vas-tu pas passer le nouvel an chez ta copine ?
Bien sur, je pourrais lui dire qu’en Chine, les gens s’engagent trop vite et qu’aller dans sa famille signifierait ‘marie dans l’annee’, mais j’ai prefere ne pas etre impoli et j’ai repondu un truc du style « ce n’est pas pratique » ou encore « j’ai du travail »... tout cela agremente d’une petite plaisanterie :
- Ma copine m’a tout de meme demande de ne pas aller chez une autre fille le 1er de l’an pendant qu’elle ne sera pas la.
Alors cela, ca les a fait beaucoup rire, parce que le 1er de l’an, la coutume est en effet de se presenter a ses futurs beaux-parents.

Arrive minuit. L’excitation est a son comble. Je n’ai jamais vu Ah-Niu comme cela. Il trepigne pour sortir, enfin, pour ce grand moment de la vie d’un chinois. Il neige toujours autant dehors et l’epaisseur atteint deja 10 cm c’est a dire que dalle pour un vieux pekinois comme Ah Niu. De toute facon, ce n’est pas cela qui va l’empecher de faire craquer ses petards.

Minuit sonne. Et la, croyez-moi, si vous pensiez vous etes faits exploser les oreilles a un concert de Metallica a Bercy, vous n’etes que des petits joueurs. Ce fut tout de meme un magnifique souvenir, presque emouvant, tout cette petarade dans tous les coins, les fusees qui illuminent les quatres coins du ciel et cela pendant presque 1 heure. 1 heure, rendez-vous compte, quand on pense qu’un bouquet final ne dure que quelques minutes. Les gens s’amusent beaucoup et y mettent franchement les moyens. Je ne sais pas combien ils depensent mais ca l’air collossal : des caisses entieres de ces fameux « filets de petards » qui craquent les uns a la suite des autres, des fontaines de lumiere, des fusees dignes d’un feu d’artifice du 14 Juillet et toutes sortes de petits trucs que je ne connaissais pas. En un mot, superbe !

Les oreilles franchement bourdonnantes, nous remontons nous rechauffer a l’interieur. Et la, commence un autre rituel du nouvel an : Les raviolis (JiaoZi). Je me souviens d’un de mes cours de chinois premiere annee : « Bao jiaozi shi yi zhong jiating de lequ ! » « Faire des raviolis, c’est un des plaisirs de la famille ». Car, hors de question de les acheter tous prets, la tradition veut qu’on les fasse soi-meme, en famille, d’autant plus que c’est d’une simplicite deconcertante, du moins, lors que l’on a fini la farce : il suffit de decouper la pate en de petites galettes circulaires, de poser un peu de farce dessus, et de replier le tout, en forme de raviolis (ben oui), que l’on met a cuire a la vapeur sur une planche en bois pendant 10 a 15 minutes. C’est delicieux !

Par contre, ceux qui pensaient, qu’a Pekin on trouvait des mandariniers partout comme dans le sud, c’est loupe. A Pekin, c’est les raviolis. Mais la j’exagere parce qu’ils mangent quand meme beaucoup de fruits, surtout des bananes, pommes et mandarines. J’ai oublie de mentionner, les pates qui par leur longueur symbolisent la longevite. On retrouve cela aux anniversaires egalement.

Le lendemain, Ah Niu m’a emmene dans un temple taoiste de Pekin pour y voir les manifestations qui durent jusqu’a la fin de la semaine. J’avais pourtant l’habitude : je sais que les lieux sacres en Chine n’implique pas qu’il faille faire silence comme chez nous, mais alors la ! C’est pire qu’une kermesse. Parmi les curiosites que j’ai relevees, comme les gens qui font une demi-heure de queue pour aller caresser un morceau de pierre (j’avoue j’avoue, je suis inculte, je ne sais pas du tout de quoi il s’agit), le jeu qui consiste a faire tenir une piece debout sur la statue de son signe zodiacal (ca c’est hachement balaise), c’est celui du « Da Jin Qian Yan » qui m’a le plus marque. Il s’agit de lancer des pieces de monnaies factices, avec un trou au milieu comme la monnaie antique, contre un gong niche dans une fosse et possedant une cloche en son centre. Ceci explique le titre : Da = Frapper. Jin Qian = Pieces en or. Yan = Oeil. La cloche est donc un oeil que l’on doit faire sonner en lancant une piece d’or pour que cela porte bonheur. Marrant comme tout. Les gens s’excitent comme des fous en poussant des hurlement quand ils atteignent la cible. Dans la fosse, un homme ramasse les pieces, au peril de sa vie, a grands coups de pelle, pour les remonter dans un panier en osier. Les pieces sont ainsi pretes a etre relancees.

Mais au fait, pourquoi les pieces avaient-elles un trou au milieu ? Explication de Ah Niu : « Parce que comme cela on pouvait passer un fil au milieu et les transporter par milliers quand on partait en deplacement ». Pas bete.

Au milieu de ce brouhaha de tintement de cloches, j’apercois a nouveau ces Xiangshengs, duo comique traditionnel chinois, qui passe a travers les ages, et quelques extraits de l’opera de Pekin. Tout cela au mileu d’un temple, cela a un comme un gout d’insolite, mais toujours bon-enfant.